Guy le Ray
Poète et fabuliste contemporain – Édito – Antoine Houdar de la Motte
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ANTOINE HOUDAR de La MOTTE, LE NOUVEAU FABULISTE
S ‘il fut un fabuliste qui tint à s’affranchir des sources habituelles des fables, ce fut bien Houdar de La Motte. Mettant à bas leurs sources anciennes, qu’elles soient ésopiques ou indiennes, il se fit le chantre de la régénérescence de la fable et son recueil publié en 1719 l’assuma fièrement par son titre : “ Fables Nouvelles.“
Antoine Houdar naît à Paris le 17 Janvier 1672. Héritier par son père d’une terre dénommée “La Motte”, il accole ce terme à son nom, et c’est sous ce patronyme qu’il passera à la postérité. Ses études, il les fait chez les Jésuites, se dirige vers le Droit qu’il abandonne rapidement pour la littérature et plus particulièrement pour l’Art dramatique pour lequel il éprouve une passion marquée. Il s’y consacre donc avec fougue, mais l’insuccès de sa comédie “Les Originaux” le déprime fortement, d’autant qu’il y avait mis tant d’enthousiasme. Il décide alors d’entrer à la Trappe, congrégation monastique à la rigueur extrême.Le Supérieur de cette période est l’Abbé de Rancé qui constate que ce novice n’est pas fait pour la vie monastique et l’en dissuade fortement.
De retour à Paris, n’ayant pas abandonné sa passion pour l’Art dramatique, il se tourne vers l’Opéra, symbiose heureuse du Théâtre, du Chant et du Ballet. On lui prête d’ailleurs l’invention de la Comédie Ballet. Il écrit aussi des pièces de Théâtre et s’engage dans la querelle des Anciens et des Modernes qui divise alors les auteurs, certains déniant formellement à la poésie le pouvoir de rendre les nuances de la pensée et des sentiments. S’engageant sur ce terrain, et pour le démontrer, Houdar de la Motte écrit en prose une pièce de théâtre. C’est un échec, et devant l’impossibilité de la jouer, il l’a réécrit en vers !
Bien que préconisant la supériorité de la prose sur la versification, c’est cette dernière qu’il choisit pour l’écriture de son recueil de fables intitulé “Fables nouvelles”.
Par ce titre, Houdar de La Motte signifiait que c’était leur sujet qui serait entièrement novateur. Fini les vieilleries ésopiques, fini les vieilleries indiennes si heureusement traitées par La Fontaine, il fallait ériger un second fronton de gloire pour le genre si particulier de la fable, comme un miroir à celui de La Fontaine, fronton où trônerait Houdar de La Motte. Si l’on veut se faire une idée précise de ses conceptions sur la fable, il suffit de lire son “Discours sur la fable”, mis en prologue de son recueil. Il a su y rendre hommage à La Fontaine, même s’il lui fait beaucoup de reproches, et la citation suivante montre qu’il le considérait comme le Maître en la matière : “Il a réduit les auteurs qui voudraient le suivre dans son genre à la nécessité d’inventer ou de traiter les mêmes sujets pour ne pas faire mieux ! Traiter les mêmes sujets pour ne pas mieux faire ? C’est du temps perdu.”
Pour caractériser les fables de La Motte, force est de constater qu’elles sont originales quant à leurs sujets, contrairement à La Fontaine qui s’était inspiré des Anciens. Souvent elles sont précédées de prologues plus ou moins longs et la morale se situe à la fin. Il reproche d’ailleurs à Phèdre “d’avoir mis souvent la morale à la tête de ses fables.” À propos de la morale, Houdar de La Motte souligne que l’idéal serait de ne la placer ni au début, ni à la fin : “C’est à la fable même à faire naître la vérité dans l’esprit de ceux à qui on la raconte.” Quoiqu’il en soit, s’il s’avère indispensable de faire figurer une morale, c’est à la fin qu’elle doit s’inscrire. “La fable, écrit La Motte, est une instruction déguisée sous l’allégorie d’une action.” Pour atteindre son but, il choisit d’abord la morale et construit une narration tendant exclusivement à ce but. Chez La Fontaine, nul souci de ce genre, c’est le récit qui importe, la morale viendra toujours, d’où parfois l’ambiguïté de celles qu’il énonce.
Visiblement envieux du talent de La Fontaine, il lui reproche en quelque sorte le sublime de son style, considérant “qu’il s’épuisait tout entier sur les ornements qui ne sont que les inventions accessoires”.
Nul doute qu’il voyait juste en quelque sorte, car c’est ce qui manque à ses fables, l’imagination, la fantaisie, la surprise, le mot juste, improbable, la formule jaillissante. Au lieu de ce style effervescent, Houdar de La Motte raisonne, argumente, réfléchit tout haut, fait de la philosophie, spécialement dans ses prologues. Il est didactique, moralisateur, bavard, trop démonstratif.
Il n’en demeure pas moins que ses 120 fables recèlent également des formulations heureuses. Son recueil eut un succès immédiat et trois éditions successives furent publiées faisant d’Houdar de La Motte un des grands auteurs de ce genre littéraire.
Son élection à l’Académie française en 1710 couronna l’ensemble de son œuvre : tragédies, comédies, odes, opéras, chansons, fables, ballets.
Un grand malheur le frappa 15 ans avant sa mort en 1731, il devint aveugle. Selon ses contemporains, il n’en resta pas moins un homme chaleureux, affable.
Guy Le Ray