“Du Renard qui a perdu sa queue” – Un Renard tomba dans un piège, et s’en retira, mais ce ne fut qu’après y avoir laissé sa queue pour gage. Il en était au désespoir ; car le moyen de se montrer aux autres ainsi écourté, sans exciter leurs risées ? Pour s’en garantir, que fait-il ? Il se met en tête d’avoir des compagnons ; ensuite il assemble les Renards, leur conseille en ami, disait-il, de se défaire de leurs queues ; elles embarrassaient beaucoup plus qu’elles n’ornaient ; ce n’était qu’un poids fort superflu. En un mot, une queue ne servait, à l’entendre, qu’à balayer les chemins. Il eut beau le remontrer, on le hua dans toute l’assemblée. ” Ami, lui dit un vieux Renard, j’ignore ce qu’on pourrait gagner à se passer d’une queue ; mais ce que je sais certainement, c’est que tu ne m’en aurais jamais fait observer l’inutilité, si tu avais encore la tienne. “
Autre version
” Le Renard écourté “ – Un renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu’il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d’engager les autres renards à s’écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle. En conséquence il les assembla tous et les engagea à se couper la queue, disant que c’était non seulement un enlaidissement, mais encore un poids inutile que cet appendice. Mais un des renards prenant la parole dit : « Hé ! camarade, si ce n’était pas ton intérêt, tu ne nous aurais pas donné ce conseil. »
Cette fable convient à ceux qui donnent des conseils à leur prochain, non par bienveillance, mais par intérêt personnel.
Ἀλώπηξ κόλουρος
Ἀλώπηξ ὑπό τινος πάγης τὴν οὐρὰν ἀποκοπεῖσα , ἐπειδὴ δι‘ αἰσχύνην ἀβίωτον ἡγεῖτο τὸν βίον ἔχειν, ἔγνω δεῖν καὶ τὰς ἄλλας ἀλώπεκας εἰς τὸ αὐτὸ προαγαγεῖν, ἵνα τῷ κοινῷ πάθει τὸ ἴδιον ἐλάττωμα συγκρύψῃ. Καὶ δὴ ἁπάσας ἀθροίσασα παρῄνει αὐταῖς τὰς oὐρὰς ἀποκόπτειν, λέγουσα ὡς οὐκ ἀπρεπὲς μόνον τοῦτο, ἀλλὰ καὶ περισσόν τι αὐταῖς βάρος προσήρτηται. Τούτων δέ τις ὑποτυχοῦσα ἔφη· ” Ὦ αὕτη, ἀλλ‘ εἰ μή σοι τοῦτο συνέφερεν, οὐκ ἂν ἡμῖν τοῦτο συνεβούλευσας.”
Οὗτος ὁ λόγος ἁρμόττει πρὸς ἐκείνους οἳ τὰς συμβουλίας ποιοῦνται τοῖς πέλας οὐ δι ‘ εὔνοιαν, ἀλλὰ διὰ τὸ ἑαυτοῖς συμφέρον.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Renard ayant la queue coupée
Un vieux renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d’une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
Par grand hasard en étant échappé,
Non pas franc , car pour gage il y laissa sa queue;
S’étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile ),
Un jour que les renards tenaient conseil entre eux :
«Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue ? Il faut qu’on se la coupe :
Si l’on me croit, chacun s’y résoudra.
– Votre avis est fort bon, dit quelqu’un de la troupe;
Mais tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra.»
A ces mots il se fit une telle huée,
Que le pauvre écourté ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu;
La mode en fut continuée.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)