Un paysan se soulageait de certain besoin dans son verger. Un escarbot, profitant de l’occasion, se glissa dans les intestins du sire, vous devinez par où. Notre homme souffrit beaucoup, il ne dormit plus, le ventre lui enfla; enfin, comme il ignoroit l’origine du mal, son inquiétude fut telle qu’il alla consulter un médecin. L’esculape, qui était tout aussi ignorant que lui, mais d’une autre manière, déclara que c’étoient signes de grossesse. A l’instant la nouvelle s’en répand à la ronde. Le peuple, toujours sot et superstitieux, publie que ce prodige est l’annonce d’un grand malheur. On attend en tremblant le moment des couches : on va même jusqu’à garder jour et nuit l’homme et son futur enfant.
Un beau matin l’escarbot sortit par où il étoit entré, et l’on ne parla plus de la grossesse que pour en rire.
Notes :
Cette fable parait n’être qu’une parodie polissonne de In Montagne qui enfante une souris. On regarderait aujourd’hui comme de fort mauvais ton des plaisanteries pareilles, et l’on aurait raison ; mais le goût était moins délicat, il y a cinq siècles. Je n’ai traduit cette pièce que parce qu’elle tourne en ridicule l’ignorance du peuple et sa superstition. Il semble qu’on ne devait pas attendre tant de philosophie de la femme qui nous a donne le Purgatoire de saint Patrice. “Du Villain et de l’Escarbot”