Le Loup et l’Agneau analysée par C. Hygin-Furcy :
(Livre I. — Fable 10.)
La raison du plus fort est toujours la meilleure.
DESTRUCTION DE CARTHAGE PAR LES ROMAINS, (l’an 147 avant J,-C).
Vaincue par Rome dans la deuxième guerre punique, Carthage avait été tellement abaissée, que soixante-dix ans après elle se relevait à peine de ses désastres : cependant l’industrie de ses habitants , leur courage même dans les revers, inspiraient aux Romains une crainte continuelle qu’entretenait encore la constante admonestation de Caton le Censeur : « Delenda est Carthago. » (Il faut détruire Carthage. )
Rome résolut enfin la ruine totale de son ancienne rivale, et signifia aux habitants de Carthage de livrer leurs armes, de brûler leurs vaisseaux; puis, après ce sacrifice, elle exigea qu’ils abandonnassent leur ville. A cette ordre injuste, les Carthaginois qui avaient consenti à tout, pour ne pas lutter de nouveau avec leurs redoutables vainqueurs, sont saisis d’un morne désespoir qui se tourne bientôt en fureur. Jour et nuit ils fabriquent des armes; faute de fer, ils convertissent l’or et l’argent en instruments meurtriers ; ils font des voiles avec des étoffes précieuses, des cordages avec les cheveux de leurs femmes et de leurs filles, et tous, à l’unanimité, jurent de vaincre ou de s’ensevelir sous les ruines de leur patrie. Carthage était devenue plus redoutable que jamais.
Rien ne touche la cruauté de la politique romaine : la reine de l’Afrique doit disparaître du monde… Rome envoie Scipion Emilien avec une puissante armée, dont ce général ne prend le commandement qu’avec une répugnance marquée. Après bien des combats, il s’empare d’une portion de la ville ; il occupe même le port : les Carthaginois, par des efforts prodigieux, en creusent un autre plus loin et y transportent leurs vaisseaux : vaine résistance ! Malgré le bon droit de leur cause, les assiégés, après quatre ans de lutte, sont vaincus complètement et leur ville livrée aux flammes; car le sénat romain aurait voulu faire disparaître jusqu’au nom de son ancienne rivale.
On dit que le généreux Scipion Emilien pleura sur les ruines de Carthage ; l’orgueil de la victoire ne l’aveuglait pas an point de ne pas comprendre combien sa patrie était injuste, et quoique pour le vulgaire « la raison du plus fort soit toujours la meilleure » la postérité impartiale a jugé la défaite des Carthaginois plus glorieuse pour eux qu’une telle victoire ne l’a été pour les Romains.
- Le Loup et l’Agneau, Charles Hygin-Furcy , 18??