Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Jadis les animaux s’accordèrent entr’eux ;
C’est, très-certainement, ce qu’au siècle où nous sommes,
Siècle qui passe pour heureux,
On ne verra pas chez les hommes !
Les grands cumulaient les emplois,
Et les petits voulaient conserver leurs rapines ;
Tout le monde était las de guerres intestines,
Mais, chacun prétendait se réserver ses droits.
Pour en garantir l’exercice,
Pour décider de mille objets,
Oubliés au traité de paix,
On crut devoir créer une Cour de Justice.
Un animal adroit, et qui rampe d’ailleurs,
Le serpent, la souplesse même,
Fut nommé président du tribunal suprême.
On lui donna pour assesseurs
Quelques êtres sans conséquence,
S’endormant à chaque séance ,
Et n’opinant que du bonnet,
Quand par hasard on opinait :
Des marmottes, enfin. L’indolente tortue,
Qui se traîne sur terre et nage entre deux eaux,
Grâce à sa probité connue,
Rédigea les arrêts et les procès-verbaux.
Soit prudence, soit politique ,
Le tribunal sut, par des incidents,
Sans prononcer sur rien, délibérer vingt ans.
Son exemple n’est point unique.
On dit qu’il respecta les divers intérêts ;
Qu’il ne blessa jamais personne ;
Que de ses jugements nul n’appela jamais.
11 ne faut pas qu’on s’en étonne ;
On ignora toujours s’il eut raison ou tort.
Cette Cour prolongea si loin sa permanence ,
Qu’avant de rendre une sentence,
Avocats et plaideurs…. juges…. tout était mort.
“La Cour de Justice des Animaux”