Le Bûcheron et la Mort par Despréaux :
Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l’extrême vieillesse,
Marchait en haletant de peine et de détresse.
Enfin las de souffrir, jetant là son fardeau
Plutôt que de s’en voir accabler de nouveau,
Il souhaite la mort, et cent fois il l’appelle ;
La mort vient à la fin. Que veux-tu ? cria-t-elle.
Qui, moi ? dit-il alors, prompt à se corriger.
Que tu m’aides à me charger.
“Le Bûcheron et la Mort, par Despréaux”
La Mort et le Bucheron par La Fontaine:
Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu’il faut faire.
C’est, dit-il, afin de m’aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d’où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.
Despréaux, dit Racine le Fils, composa la fable du Bûcheron dans sa plus grande force, et, suivant ses termes, dans son bon temps. Il trouva cette fable languissante dans La Fontaine. Il voulut essayer s’il ne pourrait pas mieux faire, sans imiter le style de Marot, désapprouvant ceux qui écrivaient dans ce style. Pourquoi, disait-il, emprunter une autre langue que celle de son siècle ?”
On ne conçoit pas où est la langueur que Despréaux trouvait dans la fable de La Fontaine, encore moins en quel endroit de cette fable La Fontaine a employé le style de Marot. Le jugement qu’on prête ici à Despréaux est si étrange, qu’il est très vraisemblable que Racine le Fils à été mal servi par sa mémoire.
A la tête de la fable de La Fontaine, dont le sujet est pris d’ Ésope, il lit ces mots écrits par l’auteur même :
“Nous ne saurions aller plus loin que les anciens ; ils ne nous ont laissé pour notre part que la gloire de les bien suivre.”
La Fontaine s’exprime avec cette modestie, ou plutôt cette simplicité, à l’occasion d’une fable où il est bien supérieur à Ésope, comme dans presque toutes les autres.