Un loup, remuant personnage,
Et qui passa dès son jeune âge
Pour le sire le plus glouton
Qu’on pût trouver dans le canton,
Résolut, par un coup d’audace,
D’illustrer lui-même et sa race.
A cet effet il forma le dessein
D’enlever au lion le royal diadème ;
Après quoi, pour fruit du larcin,
Il devait le ceindre lui-même.
Le projet était beau, sinon fort délicat ;
Mais la morale aux loups fut toujours lettre close ;
Du reste, l’on prétend que plus d’un avocat
Envers et contre tous aurait plaidé sa cause.
Notre sire pouvait donc bien,
Quoique fieffé larron s’estimer loup de bien.
Le sort aux scélérats n’est pas toujours propice
Et quoique plus d’un réussisse.
On en voit échouer plus d’un ;
Sans pour cela que le fait soit commun.
Or, le nôtre échoua par défaut de prudence.
Dès qu’on sut son échec dans les bois d’alentour,
Ce fut à qui ferait sa cour
Au lion, ainsi qu’on le pense.
Quant au conspirateur, chacun tomba d’accord
Que c’était un coquin qui méritait la mort.
Aussi, sur l’ordre exprès de quelques bons apôtres,
Le pendit-on pour l’exemple des autres.
Deux mois après, un loup moins maladroit
Forme un complot, réussit à merveille,
Et, simple gueux encor la veille,
Le lendemain s’érige en roi.
Dieu sait alors combien on vanta son courage !
Ses rares qualités, ses vertus d’un autre âge ;
Évidemment il semblait être né
Pour que l’État fut par lui gouverné !
Ainsi même conduite est absoute ou honnie
Selon que du destin on soutient les assauts ;
Et le succès toujours enfante le génie,
Alors que les revers n’engendrent que des sots.
“Le Loup qui échoue et le Loup qui réussit”