Joseph POISLE-DESGRANGES
Un renard qui rêvait une ère égalitaire,
Ne voyait que larcin ou dol
Sur la surface de la terre,
Et fut assez hardi pour dire un jour en chaire :
La propriété n’est qu’un vol.
Ce discours lui valut de son aréopage
Un bruyant applaudissement ;
Mais à quoi bon parler aussi légèrement
A la veille d’un héritage ?
C’est qu’on ne peut avoir tous les dons en partage
Et que tel orateur n’est pas toujours devin.
Or, pour en revenir au lot du personnage,
J’atteste que certain lapin
Lui légua son terrier, plus un riche butin.
La nouvelle était sue et la troupe fidèle
Accourt féliciter le renard sans modèle.
Qui, joyeux, s’apprêtait à faire un bon festin.
L’insolent les reçoit sans façon à la porte.
— C’est donc ainsi qu’on se comporte ?
S’écrient alors les animaux ;
Frère, n’oubliez pas que nous sommes égaux.
— Non pas, messieurs, non pas, je suis propriétaire.
— Osez-vous l’avouer ? — Hé ! Pourquoi donc le taire ?
Puisque je jouis de mon bien.
— Vous jouissez ! Et le partage ?
— Fi ! Les jaloux, dit-il, on voit bien qu’ils n’ont rien.
Ils ne tiendraient pas ce langage.
“Le Renard qui prêche le partage des biens”