Debout sur un socle d’airain
Un Jupiter de marbre, à la forme homérique,
Grand comme un rocher druidique,
Régnait dans l’atrium d’un sénateur romain.
Certain affranchi, d’aventure,
Pénétra dans la salle obscure
Où, pour le dieu païen des Romains vénéré,
Le sang d’une blanche génisse,
Victime offerte en sacrifice,
Coulait dans un vase sacré.
L’esclave était, dit-on, un Dace à l’œil farouche
Qui regrettait la liberté,
Et, sous son joug de fer marchant avec fierté,
Pour tous les dieux n’avait que mépris à la bouche :
Me voilà, lui dit-il, colosse détesté,
Toi qu’un maître odieux, malgré ma répugnance,
Veut que j’honore et que j’encense,
Je suis seul, et me ris de ta divinité !
Va ! je vais me donner, moi, pauvre esclave dace,
Le suprême bonheur de trôner à ta place,
Et de respirer à mon tour
Cet encens que mon maître au lever de l’Aurore
A tes pieds brûle chaque jour.
Tombe donc, ô toi que j’abhorre !
Il s’élance aussitôt, et pressant dans ses bras
L’idole au visage de marbre,
Ainsi qu’on agite un grand arbre,
Il l’ébranle… En tombant avec un grand fracas,
Ce chef-d’œuvre sorti des ateliers de Rome
Dans sa chute écrasa cet homme.
Le ciel punit l’impiété !
“L’Idole et l’Esclave”