” Le Laboureur et ses Enfants “ – Un laboureur, sur le point de terminer sa vie, voulut que ses enfants acquissent de l’expérience en agriculture. II les fit venir et leur dit : « Mes enfants, je vais quitter ce monde ; mais vous, cherchez ce que j’ai caché dans ma vigne, et vous trouverez tout. » Les enfants s’imaginant qu’il y avait enfoui fin trésor en quelque coin, bêchèrent profondément tout le sol de la vigne après la mort du père. De trésor, ils n’en trouvèrent point ; mais la vigne bien remuée donna son fruit au centuple.
Cette fable montre que le travail est pour les hommes un trésor.
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Esope – VIIe-VIe siècle av. J.-C
Du Laboureur et de ses Enfantz
Labeur continuel faict ung grand thresor
De peu à peu à grand bien on parvient,
Quand par labeur d’estre riche on affecte :
Avec espoir perseverer convient,
Car pierre à pierre est une maison faicte:
Ung Laboureur, voyant finer sa vie,
De bien pourvoir ses enfantz eut envie,
En desirant les faire riches gens
Par leur labeur, s’ilz estoient diligens.
Se mourant donc, il leur va dire ainsi :
« Mes beaulx enfantz, après ma mort, voicy
Que vous ferez : ma vigne foullerez,
Et tout au fons ung thresor trouverez
Que j’y ay mis pour la succession,
Dont je vous mectz en la possession.»
Le Pere mort, les enfantz s’en allerent
Droict à la vigne, et sôubdain la fouillèrent
Avec houyaux et houes jusqu’au fons;
Mais nul thresor trouverent aux parfonds,
Dont ilz pensoient avoir esté deceuz.
Mais celle vigne, après les coups receuz
Des instrumentz servantz aux laboureurs,
Produict ses fruictz et ses raisins bien-meurs;
Et, neantmoins quelle eusi esté en friche,
Par ce labeur chascun d’iceulx feit riche.
Il appert donc que, quand on continue
A labourer, le bien ne diminue,
Mais il s’augmente et survient au besoing :
De peu à peu certes on va bien loing.
Plus est prisé ung bien ainsi acquis
Qu’ung bien trouve, ou ung thresor exquis.
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)
Le Laboureur et ses Enfants
Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
«Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents :
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût :
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.»
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout : si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor .
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)