Un orage grondait à l’horizon lointain,
Lorsqu’une goutte d’eau, s’échappant de la nue,
Tombe au sein de la mer et pleure son destin.
« Me voilà dans les Ilots, inutile, inconnue,
Ainsi qu’un grain de sable au milieu des déserts.
Quand sur l’aile du vent je roulais dans les airs,
Le plus bel avenir s’offrait à ma pensée :
l’espérais sur la terre avoir pour oreiller
L’aile du papillon ou la Heur nuancée,
Ou sur le gazon vert et m’asseoir et briller… »
Elle parlait encore : une huître, à son passage,
S’entrouvre, la reçoit, se referme soudain.
Celle qui supportait la vie avec dédain
Durcit, se cristallise au fond du coquillage,
Devient perle bientôt, et la main du plongeur
La délivre de l’onde et de sa prison noire,
Et depuis, on l’a vue, éclatante de gloire,
Sur la couronne d’or d’un puissant empereur.
O toi vierge sans nom, fille du prolétaire,
Qui retrempes ton âme au creuset du malheur,
Un travail incessant fut ton lot sur la terre ;
Prends courage ! Ici-bas chacun aura son tour :
Dans les flots de ce monde, où tu vis solitaire,
Comme la goutte d’eau tu seras perle un jour…
“La Goutte d’eau”
- Pierre Lachambeaudie – 1806 – 1872