Attention !…. et daignez me sourire ;
Car je viens d’accorder ma lyre.
Maints animaux, un jour,
Voulant du roi Lion chômer l’anniversaire,
Résolurent, non sans mystère,
De se rendre à la cour.
Surplus d’un profond politique,
Connaissant bien l’effet de la musique,
Ils firent annoncer un merveilleux concert
Qui devait suivre le dessert
De sa Majesté redoutable.
Par un caprice impardonnable,
Le rossignol, le merle, le serin,
Le chardonneret, l’alouette,
Qui, d’une cadence parfaite
Possèdent le charme divin,
Hélas ! furent exclus.
Des chantres ignorants, barbares, inhabiles,
On ne peut plus
Célèbres par leurs fausses cantatilles,
Osèrent composer
Seuls l’orchestre sublime.
L’allégresse était unanime
Et le succès certain. Aussi, peut-on penser
Qu’avant cette œuvre immense,
On comptait bien sur une récompense !
Tout haut, on se flattait,
D’offrir à l’assemblée
Une musique décuplée
Par un gosier bruyant, qui jamais n’avortait.
Chacun devine
Qu’Aliboron
Faisait la basse avec certain cochon.
La taille j’imagine
Etait confiée à deux taons,
Et le dessus sans doute à deux grillons
Que la grenouille ou la cigale
Dont on connaît la fureur musicale,
Accompagnait
En qualité de haute-contre ;
Mais pour comble de malencontre
Chacun, pour sa part, détonnait.
Jamais l’horrible mélodie
De toute l’Arcadie ;
Jamais les carillons
De pelles et poêlons ;
Jamais les cris du noir Tartare
Ne se compareront à l’affreux tintamarre,
Qui tout à coup troubla les airs :
Les chœurs surtout par leurs mugissements divers
Déchiraient les oreilles,
Et loin de faire des merveilles,
Eussent chassé les auditeurs,
Si ces derniers, courtisans amateurs,
N’eussent craint d’offenser sa Majesté Lionne
Qui, sur les droits de la couronne,
Bien rarement se déridait.
La grenouille d’abord accuse le baudet ;
Celui-ci, les dessus ; Grillons de se défendre,
Et de prétendre
Que le cochon embrouillait tout ;
Don Pourceau se mettant debout,
Grogne après la cigale,
Qui, frissonnant,
Criant à la cabale,
Et sur les tailles s’acharnant,
Espère, à force d’insolence,
Venger son ignorance.
Pour lors, sire Lion, plein d’un juste courroux,
S’écrie : « Insolents, imbéciles,
Retirez-vous ;
Vos débats inutiles
Auraient dû s’élever
Non après, mais bien avant l’ouverture :
Vous ne pouviez trop approuver
Votre talent contre nature :
Tous, au lieu de vous signaler,
Vous venez sottement de vous faire siffler :
Sachez que pour une nouvelle audace
Nul de vous n’obtiendrait sa grâce. »
De nos auteurs
A la tâche, c’est bien l’histoire :
L’ouvrage est couronné, l’on dispute la gloire :
Est-il mauvais ? On rit des collaborateurs.
“La Musique des Animaux”