On exposait une peinture
Où l’artisan avait tracé
Un Lion d’immense stature
Par un seul homme terrassé.
Les regardants en tiraient gloire.
Un Lion en passant rabattit leur caquet.
« Je vois bien, dit-il, qu’en effet
On vous donne ici la victoire ;
Mais l’Ouvrier vous a déçus :
Il avait liberté de feindre.
Avec plus de raison nous aurions le dessus,
Si mes confrères savaient peindre. »
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 1. On exposait en peinture. Une femme d’esprit, lasse devoir dans nos livres des peintures satyriques de son sexe, appliqua aux hommes qui font les livres, la remarque du lion de cette fable. Elle avait raison ; mais les femmes ont mieux fait depuis : c’est de prendre leur revanche , de faire des livres , et de peindre les hommes à leur tour.
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) Où l’artisan avait tracé. De même dans la fable du Statuaire :
L’artisan exprima si bien Le caractère de l’idole, etc. La Fontaine l’a imité des anciens auteurs. Baïf, s’adressant à l’ Amour :
Tel qu’en ton cœur, Artisan, tu l’avais, etc. Artisan n’est point le mot: il faudrait artiste. Artisan, ouvrier dans un art mécanique, homme de métier. Artiste, celui qui travaille dans un art où le génie et la main doivent concourir.
(2) Un Lion passant. Lion n’a plus dans ce vers la même mesure qu’il a deux vers plus haut. C’est une de ces légères inexactitudes auxquelles il ne faut pas prendre garde dans les ouvrages de génie, et sur-tout dans ceux de La Fontaine, mais qu’il ne faudrait pas se permettre aujourd’hui. Les éditions nouvelles portent : Un Lion en passant. (Le Lion abattu par l’homme)