Pañchatantra ou fables de Bidpai
4e. Livre – VII. — Le Roi, le Ministre et leurs Femmes
Il était un maître de la terre qui a pour limite la mer, un roi nommé Nanda, fameux par sa puissance et sa bravoure, dont le marchepied était natté avec la multitude des rayons des diadèmes d’une foule de nombreux rois, et dont la voie était pure comme les rayons de la lune d’automne. Il avait un ministre nommé Vararoutchi, qui avait étudié toutes les Écritures et connaissait l’essence de toutes choses. La femme de ce ministre était en colère contre son mari à cause d’une querelle d’amour, et, quoique celui-ci cherchât de bien des façons à contenter cette femme très-chérie, elle ne s’apaisait pas. Or le mari dit : Ma chère, dis la manière dont je pourrai te rendre contente ; je le ferai assurément. Puis elle répondit avec assez de peine : Si tu te rases la tête et que tu tombes à mes pieds, alors je te regarderai d’un œil favorable. Après que cela fut fait, elle fut apaisée. La femme de Nanda, également en colère, ne s’apaisait pas non plus, bien que celui-ci cherchât à la contenter. Ma chère, dit-il, sans toi je ne puis vivre même une heure ; je tombe à tes pieds et j’implore ta bonté. Elle dit : Si tu te laisses mettre un mors dans la bouche, que je monte sur ton dos et te fasse courir, et si, pendant que je te ferai courir, tu hennis comme un cheval, alors je serai apaisée. Cela fut fait. Puis, au matin, comme le roi siégeait dans l’assemblée, Vararoutchi arriva, et le roi, quand il le vit, lui demanda : Hé, Vararoutchi! pourquoi ta tête est-elle rasée sans que ce soit le jour ? Le ministre dit :
Que ne donnerait pas, que ne ferait pas un homme sollicité par les femmes ? Là où ceux qui ne sont pas des chevaux hennissent, on se rase la tête sans que ce soit le jour.
Ainsi, méchant crocodile, toi aussi, comme Nanda et Vararoutchi, tu es l’esclave d’une femme. C’est pour cela que, conduit par cette excellente femme, lu as entrepris la poursuite d’un moyen de me faire mourir ; mais par la faute de tes paroles cette entreprise a été dévoilée. Et certes on dit ceci avec raison :
Les perroquets et les sârikâs se font prendre par la faute de leur bec ; les grues ne s’y font pas prendre : le silence est le moyen d’accomplir toutes choses.
Et ainsi :
Quoique gardé avec le plus grand secret et montrant un corps effrayant, un âne vêtu d’une peau de tigre fut tué pour avoir poussé un cri.
Comment cela ? dit le crocodile. Le singe raconta :
“Le Roi, le Ministre et leurs Femmes”
- Panchatantra 53