« Qui ? moi ! me battre auprès d’Achille !
« Que pourrait-il m’en revenir ?
» La honte, ou, tout au plus, une mort inutile ;
» Ce serait là mon avenir.
» Je ne me bats que pour la gloire ;
» D’un soldat c’est l’unique lot :
» La chercher près d’Achille est téméraire ou sot ;
» C’est fou de le tenter, et sot que de le croire.
» Non, j’y suis décidé, je ne me battrai pas,
» Et, pour jamais, je renonce aux combats.
» Ainsi parlait, aux rives du Scamandre,
Un soldat qui d’Achille avait suivi les pas.
» Ciel ! que viens-je d’entendre,
« Lui dit son camarade, a-t-on pu le penser ?
» Qui ? toi, Thessalien ! aux combats renoncer !
« Pourquoi ? pour n’avoir pas l’orgueilleuse espérance
« De pouvoir de ton chef égaler la vaillance !
» Pour n’être point Achille en es-tu moins soldat ?
» En es-tu moins enfant de Thessalie ?
» Lui dois-tu moins et ton bras et ta vie ?
« En dois-tu moins enfin tout ton sang à l’Etat ? »
Qui te demandera le courage d’Achille ?
« Es-tu sorti du sang des dieux,
» Et Jupiter est-il au rang de tes aïeux ?
» A-t-il de tes faits glorieux
» Fait dépendre le sort des Troyens, de leur ville ?
» Eh quoi ! n’est-ce donc rien de se battre sous lui ?
« N’est-ce rien de l’avoir pour guide et pour appui ?
» Abjure, tu le dois, une crainte futile.
» A ce noble discours le soldat se rendit.
Et contre les Troyens, de son mieux, combattit.
Après toi, Lafontaine, oser faire des fables !
Me suis-je dit, nouveau Thessalien :
Quel espoir peut être le mien ?
Près de tes œuvres admirables
Que sont mes faibles essais ? rien.
Mais, quand de l’ennemi la fureur et la rage
Dont on a droit de s’étonner,
De la patrie encor méditent le ravage ,
À défaut de talent, écoutant mon courage,
Sur tes traces, de loin, je me laisse entraîner ,
Et, si des gens de goût je n’obtiens le suffrage,
Puissent du moins l’honneur et le bon sens
Sourire à mes faibles accens !
“Le Soldat Thessalien”