Un homme, ayant fabriqué un Hermès de bois, l’apporta au marché et le mit en vente. Aucun acheteur ne se présentant, il se mit en tète d’en attirer en criant qu’il vendait un dieu pourvoyeur de biens et de profits. Un de ceux qui se trouvaient là lui dit : « Hé, l’ami, s’il est si bienfaisant, pourquoi le vends-tu, au lieu de tirer parti de ses secours ? — C’est que moi, répondit-il, j’ai besoin d’un secours immédiat, et que lui n’est jamais pressé de procurer ses bienfaits. »
Cet apologue convient à un homme bassement intéressé et qui ne se soucie même pas des dieux.
Autre version
“Hermes et le Statuaire” – Hermès, voulant savoir en quelle estime il était parmi les hommes, se rendit, sous la figure d’un mortel, dans l’atelier d’un statuaire, et, avisant une statue de Zeus, il demanda : « Combien ? » On lui répondit : « Une drachme. » Il sourit et demanda : « Combien la statue de Héra? — C’est plus cher, » lui dit-on. Apercevant aussi une statue qui le représentait, il présuma qu’étant à la fois messager de Zeus et dieu du gain, il était en haute estime chez les hommes. Aussi s’informa-t-il du prix. Le sculpteur répondit : « Eh bien ! si tu achètes les deux premières, je te donnerai celle-ci par-dessus le marché. »
Cette fable convient à un homme vaniteux qui ne jouit d’aucune considération chez autrui.
Ἀγαλματοπώλης
Ξύλινόν τις Ἑρμῆν κατασκευάσας καὶ προσενεγκών εἰς ἀγορὰν ἐπώλει: μηδενὸς δὲ ὠνητοῦ προσιόντος, ἐκκαλέσασθαί τινας βουλόμενος, ἐβόα ὡς ἀγαθοποιὸν δαίμονα καὶ κέρδους δωρητικὸν πιπράσκει. Τῶν δὲ παρατυχόντων τινὸς εἰπόντος πρὸς αὐτόν: “Ὦ οὗτος, καὶ τί τοῦτον τοιοῦτον ὄντα πωλεῖς, δέον τῶν παρ’ αὐτοῦ ὠφελειῶν ἀπολαύειν;” ἀπεκρίνατο ὅτι ἐγὼ μὲν ταχείας ὠφελείας τινὸς δέομαι, αὐτὸς δὲ βραδέως εἴωθε τὰ κέρδη περιποιεῖν.
Πρὸς ἄνδρα αἰσχροκερδῆ μηδὲ θεῶν πεφροντικότα ὁ λόγος εὔκαιρος.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Horace
« J’étais naguère un tronc de figuier, un morceau de bois inutile, quand l’artisan, incertain s’il ferait de moi un escabeau ou un Priape, voulut que je fusse dieu. Je suis donc dieu, épouvantail des voleurs et des oiseaux : car ma main droite écarte les voleurs, et le roseau fixé sur ma tête effraie les oiseaux importuns et les empèche de s’établir dans ces jardins nouveaux. ». Apologue transformé par Horace – (Satires, 1, vVII, 1-7).
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Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) – (-65 – -8)
Le Statuaire et la Statue de Jupiter
Un bloc de marbre était si beau
Qu’un statuaire en fit l’emplette.
« Qu’en fera, dit-il, mon ciseau ?
Sera-t-il Dieu, table ou cuvette ?
Il sera Dieu ; même je veux
Qu’il ait en sa main un tonnerre.
Tremblez, humains. Faites des vœux ;
Voilà le Maître de la terre. »
L’artisan exprima si bien
Le caractère de l’idole,
Qu’on trouva qu’il ne manquait rien
À Jupiter que la parole :
Même l’on dit que l’ouvrier
Eut à peine achevé l’image,
Qu’on le vit frémir le premier,
Et redouter son propre ouvrage.
À la faiblesse du sculpteur
Le poète autrefois n’en dut guère,
Des dieux dont il fut l’inventeur
Craignant la haine et la colère.
Il était enfant en ceci ;
Les enfants n’ont l’âme occupée
Que du continuel souci
Qu’on ne fâche point leur poupée.
Le cœur suit aisément l’esprit :
De cette source est descendue
L’erreur païenne, qui se vit
Chez tant de peuples répandue.
Ils embrassaient violemment
Les intérêts de leur chimère :
Pygmalion devint amant
De la Vénus dont il fut père.
Chacun tourne en réalités,
Autant qu’il peut, ses propres songes :
L’homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
- La Fontaine a imité Horace dans cette fable. (Le Marchand de Statues)