Jean de La Fontaine
Poète, moraliste, romancier et fabuliste XVIIº
Anecdotes sur La Fontaine
Quelques réflexions sur la vie et les ouvrages de Jean de La Fontaine , les uns sont pour et les autres sont contre, oui mais, il ne laisse personne indifférent.
Saint-Marc Girardin
« L’arrestation et la captivité de Fouquet furent une grande épreuve pour la fidélité de ses amis. Beaucoup d’amis de Fouquet y succombèrent; La Fontaine en sortit pur et glorieux. Sa fidélité à Fouquet fait partie de sa renommée. »
Vers 1666,avec Molière, Racine et- Chapelle, La Fontaine venait souvent, — deux ou trois fois par semaine, — souper au faubourg Saint-Germain, dans le logement que Boileau habitait rue du Vieux-Colombier.
« Ils causaient de tout, dit M. Saint-Marc Girardin, des anciens, des modernes, de la tragédie, de la comédie, des règles du théâtre; ils s’entretenaient aussi de leurs ouvrages. Dans ces conversations, La Fontaine était ou très-distrait ou grand parleur et grand argumentateur, toujours vivement possédé de ses idées, soit qu’il s’entretînt avec elles, soit qu’il les répandît au dehors. Etait-il dans ses rêveries, il était impossible de l’en tirer; mais ces rêveries ne faisaient pas que ses amis estimassent moins son génie; et même Molière semblait mettre La Fontaine au-dessus de Racine et de Boileau. Un jour qu’il soupait avec Racine, Boileau, La Fontaine et Descoteaux, fameux joueur de flûte, La Fontaine était encore plus qu’à l’ordinaire plongé dans ses distractions. Racine et Boileau, pour le tirer de sa léthargie, se mirent à le railler si vivement, qu’à la fin Molière trouva que c’était passer les bornes. Au sortir de table, il poussa Descoteaux, dans l’embrasure d’une fenêtre, et, lui parlant d’abondance de cœur, il dit: « Nos beaux esprits ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bonhomme. » “Saint-Marc Girardin”
La Fontaine est un de ces poètes qui, par la vérité et la vivacité de leur peinture, font que les grands lieux communs de la vie humaine nous émeuvent, comme s’ils venaient de nous toucher personnellement. Il a sa manière de traiter ces grands lieux communs. Il ne faut point par exemple, lui demander de parler de la mort et de l’instabilité de la vie comme le fait Bossuet; mais, pour être moins grave et moins triste, sa manière n’est pas moins efficace et moins instructive… L’orateur et le fabuliste traitent le même lieu commun avec la même vivacité, quoique avec des sentiments différents, l’un gourmandant notre orgueil par la représentation de notre néant, l’autre mettant dans une petite comédie sans aigreur un centenaire qui ne veut pas mourir encore. Bossuet dit, dans son oraison funèbre de la duchesse d’Orléans, qu’elle fut douce avec la mort; je dirais volontiers que La Fontaine est bonhomme avec la mort. » (St. Marc Girardin, T. II, 15, 19.)
“Pensée” – La Fontaine ne refuse pas aux animaux la pensée; il ne leur refuse que la réflexion Cette distinction est fine et profonde. Voilà donc la question nettement posée entre Descartes et La Fontaine. Descartes accorde à la bête la vie et le sentiment; mais il lui refuse la pensée. La Fontaine lui accorde la pensée; mais il lui refuse la réflexion. C’est là, aussi bien, que M. Flourens pose la question. La réflexion est donc la limite qui sépare l’intelligence de l’homme de celle des animaux. Il y a là une ligne de démarcation profonde. Ainsi la différence faite par La Fontaine entre la pensée et la réflexion n’est pas une fantaisie de poète ou un argument d’apprenti métaphysicien; c’est le nœud même de la question c’est le fond du débat. (Saint-Marc Girardin)
Marie Marguerite Renée de Bonchamps (17..?-1845)
La remarque dont il est ici question est d’autant plus charmante, qu’elle donne une intention morale, touchante et très-naturelle, à l’une des plus jolies fables de La Fontaine, qui n’avait que le défaut d’en manquer. C’est la fable du Loup et de l’Agneau : quand je lis cette fable à des enfants , je supprime toujours les deux premiers mauvais vers qui la commencent1. Lorsqu’avec cette suppression, je lus à Alfred pour la première fois cette fable, il avait huit ans; il s’attendrit beaucoup sur le sort de l’agneau, et ensuite il me dit : Voilà ce que c’est que de s’éloigner de sa mère !…….. Certainement si La Fontaine avait eu cette idée , il l’aurait exprimée, et sa fable serait parfaite.
1- La raison du plus fort est toujours la meilleure ;
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Abbé Guillon
Notes de grammaire. La Fontaine ne ressemble à personne : la langue est pour lui un pays de conquête. Où trouver un cours de grammaire à la fois plus utile et plus agréable, que dans les ouvrages d’un homme qui sut embellir sa langue de toutes les grâces de la nature, de tous les charmes de la plus riante imagination; et qui, marquant ses imperfections mêmes du sceau de son génie, a trouvé le secret d’en faire un genre de beautés qui n’appartiennent qu’à lui?
Furetière
Furetière, ennemi de La Fontaine, dans la préface des fables publié en 1671, après avoir parlé des fables d’Ésope et de Phèdre, il ajoutait : « Mais il n’y a personne qui leur ait fait tant d’honneur que M. de La Fontaine, par la nouvelle et excellente traduction qu’il en a faite, dont le style naïf et marotique est tout à fait inimitable et ajoute de grandes beautés aux originaux. »
La Bruyère
La Bruyère, dans son discours de réception à l’Académie française, le 15 juin 1693, signale La Fontaine parmi ses nouveaux et illustres confrères ; il le caractérise ainsi : « Un autre, plus égal que Marot et plus poète que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire ; toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter. »
Abbé de La Chambre
L’abbé de La Chambre, directeur de l’Académie française, dans sa réponse au discours de réception de La Fontaine (le 2 mai 1684) – « L’Académie reconnait en vous, monsieur, un de ces excellents ouvriers, un de ces fameux artisans de la belle Gloire, qui la va soulager dans les travaux qu’elle a entrepris pour l’ornement de la France et pour perpétuer la mémoire d’un règne si fécond en merveilles. Elle reconnait en vous un génie aisé, facile, plein de délicatesse et de naïveté, quelque chose d’original, et qui, dans sa simplicité apparente et sous un air négligé, renferme de grands trésors et de grandes beautés. »
De Visé
Le rédacteur du ” Mercure Galant” de Visé, publiant les Compagnons d’Ulysse en décembre 1690, fait précéder cette publication de ces mots : « Il n’y a rien de plus estimé que les fables de M. de La Fontaine, et c’est avec beaucoup de justice, puisque tout ce qui a paru de lui en ce genre peut être appelé inimitable. Vous verrez par la lecture de celle que je vous envoie que, malgré l’excuse qu’il prend de son âge, les années n’ont rien diminué en lui de ce feu d’esprit qui lui a fait faire de si agréables ouvrages. »
Molière
le mot de Molière à Descoteaux, un jour que Racine et Boileau avaient taquiné trop vivement le fabuliste : « Nos beaux esprits, dit-il, ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bonhomme. »
De Bainville
Comme un dieu même de la poésie, appuyé sur ses ouvrages que le temps embellit sans cesse d’un éclat nouveau, sur ces ouvrages qui ont le don de faire encore des envieux après deux cents années de gloire, mais qui sont pour eux d’airain, d’acier, de diamant. La Fontaine offre ce spectacle inouï d’un homme de génie qui a pu réaliser complètement, et clans sa perfection absolue, l’œuvre qu’il avait rêvée. Accord du sentiment et de l’imagination, l’œil ouvert sur le monde visible et l’œil ouvert sur le monde idéal, invention inépuisable et féconde et talent d’artiste si accompli, qu’il devient exempt du procédé et de la manière et arrive à se dissimuler lui-même, La Fontaine a possédé tous les dons les plus rares et les plus exquis, le goût, la grâce, la force, la tendresse, le vif esprit qui tout à coup éclaire d’un jet le tableau, et l’habileté minutieuse qui ou fait vivre lus moindres détails; peintre, musicien, mosaïste inimitable; mais surtout et avant tout, il a été ce faiseur de miracles qui tire de son sein une création durable; Il a été le poète. Y a-t-il un secret dans l’admiration universelle qu’inspire le chantre des héros dont Ésope est le père? Je dis universelle, et jamais ce mot ne fut plus justement appliqué, car il est de vérité élémentaire que les ouvres du fabuliste plaisent aux pauvres déshérités qui font profession de haïr l’art des vers , autant peut-être qu’elles ravissent les hommes de pensée et d’imagination. Il n’est pas rare do voir les sots se passionner pour un bel ouvrage, parce qu’ils s’attachent seulement aux exagérations et aux traits de mauvais goût qui le déparent; mais cette pâture grossière, jetée» aux. appétits delà foule, on no la trouverait pas chez La Fontaine qui garde partout la noblesse et la sobriété du génie.
Que j’ai toujours haï les pensées du vulgaire !
Les poètes français : recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française … Gide (Paris) -1861-1863
Charles Perrault
Perrault : « On a beau vanter le sel attique, il est de même nature que les autres sels; il n’en diffère que du plus au moins; mais celui de M. de La Fontaine est d’une espèce toute nouvelle, il y entre une naïveté, une surprise et une plaisanterie d’un caractère qui lui est tout particulier, qui charme, qui émeut, et qui frappe tout d’une autre manière. » Et, après avoir cité des exemples, il ajoute : « Il y a dans toutes ses fables une infinité de choses semblables, toutes différentes entre elles, et dont il n’y a pas une seule qui ait son modèle dans les écrits des anciens. »
Charles Perrault, dans ses Éloges des hommes illustres qui ont paru pendant ce siècle, publiés en 1696, c’est-à-dire l’année qui suivit la mort du poète, s’exprime ainsi: « Le talent merveilleux que la nature lui donna lui a fait produire des ouvrages d’un agrément incomparable. Il s’y rencontre une simplicité ingénieuse, une naïveté spirituelle, et une plaisanterie originale qui, n’ayant jamais rien de froid, cause une surprise toujours nouvelle. Ces qualités si délicates, si faciles à dégénérer en mal et à faire un effet tout contraire à celui que l’auteur en attend, ont plu à tout le monde, aux sérieux, aux enjoués, aux cavaliers, aux dames, et aux vieillards de même qu’aux enfants. Jamais personne n’a mieux mérité d’être regardé comme original, et comme le premier en son espèce. Non-seulement il a inventé le genre de poésie où il s’est appliqué, mais il l’a porté à sa dernière perfection ; de sorte qu’il est le premier, et pour l’avoir inventé, et pour y avoir tellement excellé que personne ne pourra jamais avoir que la seconde place dans ce genre d’écrire. Les bonnes choses qu’il faisait lui coutoient peu, parce qu’elles coulaient de source, et qu’il ne faisait presque autre chose que d’exprimer naturellement ses propres pensées, et se peindre lui-même. Son plus bel ouvrage et qui vivra éternellement, c’est son recueil des fables d’Ésope qu’il a traduites ou paraphrasées. Il a joint au bon sens d’Ésope des ornements de son invention, si convenables, si judicieux et si réjouissants en même temps, qu’il est mal aisé de faire une lecture plus utile et plus agréable tout ensemble. Il n’inventait pas les fables, mais il les choisissait bien, et les rendait presque tous-jours meilleures qu’elles n’étaient. »
Daniel Huet
Daniel Huet, dans ses Mémoires latins De rebus ad eum pertinentibus, dit de La Fontaine: « J’eus le bonheur, cette même année (1687), de voir s’accroître encore le nombre de mes amis. Jean La Fontaine, le spirituel, le délicieux, le malin fabuliste, avait su que je voulais voir une traduction italienne de Quintilien, faite par Horace Toscanella ; non-seulement il me l’apporta et m’en fit présent, mais il y joignit une charmante pièce de vers à mon adresse, ou il se moquait des gens qui opposent et préfèrent même notre siècle à l’antiquité. En quoi il donnait une preuve de sa candeur; car, encore qu’il fût au premier rang de nos meilleurs écrivains, il aimait mieux plaider en quelque sorte contre soi-même que de frustrer les anciens de l’honneur qui leur appartient. »
J. J. Rousseau
« Composons, M. de La Fontaine. Je me permets, quant à moi, de vous lire avec choix, de vous aimer, de m’instruire dans vos fables ; car j’espère ne pas me tromper sur leur objet ; mais pour mon élève, permettez que ne lui en laisse pas étudier une seule jusqu’à ce que vous m’ayez prouvé qu’il est bon pour lui d’apprendre des choses dont il ne comprendra pas le quart ; que dans celles qu’il pourra comprendre il ne prendra jamais le change, et qu’au lieu de se corriger sur la dupe il ne se formera pas sur le fripon. »
Voltaire
Voltaire, dans sa lettre écrite sous le nom de M. de La Visclède à M. le secrétaire perpétuel de l’Académie de Pau, rend justice à La Fontaine, mais avec des restrictions:« Il avait, dit-il, ce grand don de la nature, le talent. L’esprit le plus supérieur n’y saurait atteindre. C’est par les talents que le siècle de Louis XIV sera distingué à jamais de tous les siècles, dans notre France si longtemps grossière. Il y aura toujours de l’esprit; les connaissances des hommes augmenteront; on verra des ouvrages utiles…La suite
Voltaire, explique le peu de goût de Louis XIV pour La Fontaine, a dit :
» Vous me demandez pourquoi Louis XIV ne fit pas tomber ses bienfaits sur La Fontaine comme sur les autres gens de lettres qui firent honneur au grand siècle. Je vous répondrai d’abord qu’il ne goûtait pas assez le genre dans lequel ce conteur charmant excella. Il traitait les fables de La Fontaine comme les tableaux de Teniers, dont il ne voulait voir aucun dans ses appartements. »
François de Maucroix
François de Maucroix, apprenant la mort de son ami, écrivait : « Ses fables, au dire des plus habiles, ne mourront jamais et lui feront honneur dans toute la postérité. »
Dieu, par sa miséricorde le veuille mettre en son saint repos. C’ était l’âme la plus sincère et la plus candide que j’ai jamais connue : jamais de déguisement, je ne sais s’il a menti en sa vie ; c’était au reste un bel esprit capable de tout ce qu’il voulait entreprendre. Ses fables, au sentiments des plus habiles ne mourront jamais et lui feront honneur dans la postérité.
Fénelon
La Fontaine n’est plus !
Il n’est plus ! et avec lui ont disparu les jeux badins, les ris folâtres, les grâces naïves et les doctes Muses. Pleurez, vous tous qui avez reçu du ciel un cœur et un esprit capables de sentir tous les charmes d’une poésie élégante, naturelle et sans apprêt : il n’est plus cet homme à qui il a été donné de rendre la négligence même de l’art préférable à son poli le plus brillant! Pleurez donc, nourrissons des Muses; ou plutôt, nourrissons des Muses, consolez-vous: la fontaine vit tout entier, et vivra éternellement dans ses immortels écrits. Par l’ordre des temps, il appartient aux siècles modernes; mais par son génie il appartient à l’antiquité, qu’il nous retrace dans tout ce qu’elle a d’excellent. Usez-le, et dites si Anacréon a su badiner avec plus de grâce; si Horace a paré la philosophie et la morale d’ornements poétiques plus variés et plus attrayants; si Térence a peint les mœurs des hommes avec plus de naturel et de vérité; si Virgile enfin a été plus touchant et plus harmonieux ‘. »
Viollet Le Duc
M. Viollet Le Duc, ” C’est peut-être le plus grand poète des temps modernes : car il a produit plus de prodiges qu’aucun de ses rivaux, avec des moyens en apparence plus imparfaits, et par la seule puissance de la vérité poétique qu’il a saisie avec un tact prodigieux. ”
Laharpe
” Vous retrouvez dans tous ses ouvrages, dit-il, cette sensibilité , l’âme de tous les talents ; non celle qui est vive, impétueuse , énergique, passionnée, et qui doit animer la tragédie ou l’épopée, et tous les grands ouvrages de l’imagination ; mais cette sensibilité douce et naïve qui convient si bien au genre d’écrire que La Fontaine avait choisi ; qui se fait apercevoir à tout moment dans ses ouvrages, sans qu’il paraisse y penser, et joint à tous les agréments qui s’y rassemblent un nouveau charme plus attachant encore que tous les autres. Quelle foule de sentiments aimables répandue dans ses écrits! Comme on y trouve l’épanchement d’une âme pure, et l’effusion d’un bon cœur! Avec quel intérêt il parle des attraits de la solitude et des douceurs de L’amitié ! Qui ne voudrait être l’âme de l’homme qui a fait la fable des Deux Amis? Se lassera-t-on jamais de relire celle des Deux Pigeons ce morceau dont l’impression est si délicieuse, à qui peut-être l’on donnerait la palme sur tous les ouvrages de La Fontaine, si parmi tant de chefs-d’œuvre on avait la confiance de juger ou le courage de choisir ?
qu’elle est belle cette fable! qu’elle est touchante !
que ces deux Pigeons sont un couple charmant !
quelle tendresse éloquente dans leurs adieux !
Quel intérêt dans les aventures du Pigeon voyageur !
quel plaisir dans leur réunion !
Et lorsqu’en-suite le fabuliste finit par un retour sur lui-même, qu’il regrette et redemande les plaisirs qu’il a goûtés dans l’amour, quelle tendre mélancolie ! quel besoin d’aimer ! On croit entendre les soupirs de Tibulle.”
Abbé Verger
La Fontaine a peint l’humanité tantôt directement, tantôt sous la figure d’animaux, telle qu’elle est de tout temps, mais aussi telle qu’elle s’est montrée à lui au XVIIe siècle. On voit chez lui l’écolier insouciant, le pédant sentencieux, le grand seigneur suffisant, le charlatan effronté, le financier important, l’avare insensé, l’amoureux prévenu, le maître clairvoyant, le curé indifférent, la laitière étourdie, le villageois niais, le médecin compassé, le pêcheur prudent, le juge formaliste, le berger bâillant aux chimères, l’artisan bavard, le bûcheron honnête et misérable, les femmes indiscrètes. Outre ces peintures directes et générales, il montre dans le cerf, le lièvre, le lapin, le rat, un écervelé victime de son étourderie; dans l’âne, le corbeau, le geai, le héron et le paon, un sot vaniteux; dans le cheval, un gentilhomme ombrageux et fier; dans le chat, un hypocrite habile; dans la fourmi, une ménagère assez sèche ; dans l’éléphant, un puissant seigneur ; dans le coq, un soldat goguenard ; dans le cygne, un poète noble et inoffensif; dans l’écrevisse, une commère; dans la grenouille, un imbécile et un impertinent; dans le loup, un brutal stupide ou méchant; dans le milan et le vautour, un bandit; dans la colombe, un cœur tendre; dans l’alouette, une mère ; dans l’ours, un lourdaud ; dans le renard, un fourbe; dans le singe, un bouffon; dans le serpent, un envieux. (La Fontaine et ses devanciers; ou histoire de l’apologue jusqu’à La Fontaine…Prosper SOULLIÉ, 1861)
Tout le cours de ses ans n’est qu’un tissu d’erreurs,
Mais d’erreurs pleines de sagesse ;
Les plaisirs l’y guident sans cesse ,
Par des chemins semés de fleurs.
Les soins de sa famille , ou ceux de sa fortune,
Ne causent jamais son réveil.
Il laisse à son gré le Soleil
Quitter l’Empire de Neptune ,
Et dort tant qu’il plait au sommeil.
Il se lève au matin , sans savoir pourquoi faire ;
Il se promène , il va sans dessein , sans sujet ;
Il se couche le soir sans savoir d’ordinaire
Ce que dans le jour il a fait.
Mme de La Sablière
La Fontaine , ce conteur si aimable la plume à la main , n’était pins rien dans la conversation. De-là ce mot plein, de sens de madame de la Sablière : En vérité, mon cher La Fontaine , vous seriez bien bête si vous n’aviez pas tant d’esprit mot qui serait tout aussi vrai ea le retournant d’une manière plus sérieuse : Vous n’auriez pas tant d’esprit, si vous n’étiez pas si bête.
Molière
C’est en s’amusant de son talent, en conversant avec ses bons amis les animaux , qu’il parvenait à charmer ses lecteurs , auxquels peut-être il ne songeait guère ; c’est par cette disposition qu’il devint un conteur si parfait. Il prétend quelque part que Dieu mit au monde Adam le nomenclateur , en lui disant : Te voilà : nomme. On pourrait dire que Dieu mit au monde La Fontaine le conteur, en lui disant : Te voilà : conte.
Marmontel
Marmontel a dit du bon La Fontaine :
Simple et profond, sublime sans effort.
Les vers heureux, le tour rapide et fort,
Viennent chercher sa plume négligente.
Pour lui sa muse, abeille diligente,
Va recueillir le suc brillant des fleurs.
Mais sous l’appât d’un simple badinage,
Quand il instruit, c’est Socrate ou Caton,
Qui de l’enfance a pris l’air et le ton :
De Part des vers tel est le digne usage.
François Martin Thiébaut
Allez à la fourmi, dit Salomon, et considérant cette prudence et cet amour du travail; allez à la fourmi, ô paresseux ! considérez sa conduite, et apprenez à devenir sage; allez à la fourmi, dirai-je aussi; allez-y, vous indigents paresseux, qui oubliez, pendant les saisons propres au travail, qu’il en est d’autres qui vous forcent à un repos presque continuel; allez-y, vous dissipateurs fainéants, qui avez consumé en peu de jours, au jeu, à la table, aux excès du vin, ce qui, bien ménagé, aurait suffi à votre entretien pendant l’hiver; allez-y, vous riches des biens du monde et pauvres des biens de la grâce, et par sa conduite comprenez que cette vie est le temps de la récolte, que ce temps sera suivi d’un hiver où il ne vous sera plus libre de moissonner; allez-y donc, vous qui, dans la prospérité aujourd’hui, serez peut-être demain dans l’adversité, et pensez, en voyant celle fourmi, à vous faire des provisions de vertu pour les temps mauvais.(Œuvres complètes de François Martin Thiébaut , curé de Sainte-Croix à Metz- 1856) (La Cigale et la Fourmi de La Fontaine)