Daniel Allemand
Fabuliste contemporain – Cahin-caha
Un fort cheval blanc halait la péniche
Quand sa pouliche draguait le canal
L’on jacta qu’il ne crut pas à la triche
Mais que faire étant pris entre brique et fanal ?
La robe alezane cachant peu ses appas
Le toupet empreint de bonté
Conduisait au trépas
Leur ami, un taureau tantinet effronté.
Quelque intelligent que fut l’animal
Aux assauts des œillades luxurieuses
Il s’imaginait succomber au mal
D’une passion furieuse.
Et rien n’est pis que cette maladie
A l’envi de la moindre agape
Elle le zieutait, le poursuivait, le mirait
De pied en cap
A lui faire perdre la raison.
En pleine bandaison
Surgit l’ennemi notoire de la famille
La barbe ! Le bouc, le diable, jaloux méchant drille
Tourmenteur s’offusquant du rossard qui abuse.
Et l’innocent idiot qui s’excuse, s’accuse
Quand même l’aguicheuse
En devient bégayeuse.
Le bouc dit au cheval qu’il faudra qu’il se venge
Sur l’outrage qu’il prenne sa revanche.
Notre équidé ne veut se vautrer dans la fange
Mieux vaut vivre que croupir entre quatre planches !
Aimant voir le jour poindre
A quérir ses amis
Sans proposer d’occire ni conjoindre
En estoquant ou liant fausse bigamie.
Le taureau mène à la lumière
De pure beauté hédonique
Quand le bouc fait barrière
D’obscène souffle satanique.
Lors notre canasson digne d’un palefroi
Connait l’ami, sa dame et ses effrois
Et plus que tout, son ennemi,
Pour qui il morigène l’avanie.
De la gêne vaille que vaille
Plutôt qu’aller à la déroute
L’ami se doit d’être une route
Quand l’ennemi dresse muraille.
Daniel Allemand
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