Un homme avait un cheval et un âne. Un jour qu’ils étaient en route, l’âne, pendant le trajet, dit au cheval : « Prends une partie de ma charge, si tu tiens à ma vie. » Le cheval fit le sourde oreille, et l’âne tomba, épuisé de fatigue, et mourut. Alors le maître chargea tout sur le cheval, même la peau de l’âne. Et le cheval dit en soupirant : « Ah ! je n’ai pas de chance ; que m’est-il arrivé là, hélas ! Pour n’avoir pas voulu me charger d’un léger fardeau, voilà que je porte tout, avec la peau en plus. » Cette fable montre que, si les grands font cause commune avec les petite, les uns et les autres assureront ainsi leur vie.
- Ésope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Cheval et l’Âne
Un homme possédait un Cheval; il avait l’habitude de le conduire sans aucun fardeau, tandis qu’il chargeai! tout le faix sur un vieil Âne. Celui-ci, étant à bout de, force vint dire au Cheval : « Si lu veux bien prendre une pari de mon fardeau, je pourrai m’en tirer ; sinon, je vais mourir. — Marche, lui répliqua le Cheval; ne m’importune pas. » L’Âne se traîna en silence; enfin, épuisé de fatigue, il tomba mort, comme il l’avait prédit. Le maître, ayant fat approcher de lui le Cheval, et ayant détaché toute la charge, La lui mit sur le dos avec le bât ; il y ajouta la peau de l’Âne qu’il écorcha.
« Insensé que j’étais! dit le Cheval; je, n’ai point voulu prendre un peu du fardeau, et la nécessité m’a tout mis sur le dos. »
- Babrius, Babrias (IIe. ou IIIe. siècle)
traduction par A. L. Boyer (1844)
Le Cheval et l’Âne
En ce monde il se faut l’un l’autre secourir.
Si ton voisin vient à mourir,
C’est sur toi que le fardeau tombe.
Un Ane accompagnait un Cheval peu courtois,
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre Baudet si chargé qu’il succombe.
Il pria le Cheval de l’aider quelque peu :
Autrement il mourrait devant qu’être à la ville.
La prière, dit-il, n’en est pas incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
Le Cheval refusa, fit une pétarade :
Tant qu’il vit sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu’il avait tort.
Du Baudet, en cette aventure,
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par dessus encore.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Les deux Voyageurs
Le compère Thomas et son ami Lubin
Allaient à pied tous deux à la ville prochaine.
Thomas trouve sur son chemin
Une bourse de louis pleine ;
Il l’empoche aussitôt. Lubin, d’un air content,
Lui dit : pour nous la bonne aubaine !
Non, répond Thomas froidement,
Pour nous n’est pas bien dit, pour moi c’est différent.
Lubin ne souffle plus ; mais, en quittant la plaine,
Ils trouvent des voleurs cachés au bois voisin.
Thomas tremblant, et non sans cause,
Dit : nous sommes perdus ! Non, lui répond Lubin,
Nous n’est pas le vrai mot, mais toi, c’est autre chose.
Cela dit, il s’échappe à travers les taillis.
Immobile de peur, Thomas est bientôt pris,
Il tire la bourse et la donne.
Qui ne songe qu’à soi quand sa fortune est bonne
Dans le malheur n’a point d’amis.
- Jean-Pierre Claris de Florian 1755-1794