“De l’Arbre et du Roseau” – Un Olivier et un Roseau disputaient ensemble sur leur force et sur leur fermeté. L’Olivier reprochait au Roseau sa fragilité, qui l’obligeait de plier au moindre vent. Le Roseau ne trouvant point de bonnes raisons pour lui répliquer, garda le silence ; mais ayant attendu quelque temps sans rien dire, un vent violent vint à souffler tout à coup. Le Roseau agité par le vent, plia, et n’en fut point incommodé ; mais l’Olivier ayant voulu résister à l’orage, fut emporté et déraciné par la violence du tourbillon. Alors le Roseau prenant son temps pour parler, dit à l’Olivier qui était par terre : ” Tu vois bien qu’il est plus à propos de céder à un ennemi puissant, que de lui résister avec une témérité qui a toujours de mauvaises suites. “
Autre version
” Le Roseau et l’Olivier “ – Le roseau et l’olivier disputaient de leur endurance, de leur force, de leur fermeté. L’olivier reprochait au roseau son impuissance et sa facilité à céder à tous les vents. Le roseau garda le silence et ne répondit mot. Or le vent ne tarda pas à souffler avec violence. Le roseau, secoué et courbé par les vents, s’en tira facilement ; mais l’olivier, résistant aux vents, fut cassé par leur violence.
Cette fable montre que ceux qui cèdent aux circonstances et à la force ont l’avantage sur ceux qui rivalisent avec de plus puissants.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
L’ idée de cette fable se trouve peut-être dans le livre XVII de L’ Iliade, »
Tel un jeune Olivier que le laboureur élève dans un lieu solitaire, arrosé par une source abondante, gracieux, plein de sève, caressé par le soufle des vents, s’enorgueillit de fleurs d’une blancheur éclatante, quand soudain accourt la tempête qui l’enveloppe de ses tourbillons, le déracine et l’étend sur les sillons fertiles; tel Euphorbe tombe sous les coups de Ménélas.
- Iliade – (écrit entre 850 et 750 av. J.-C. ?)
Le Chêne et le Roseau
Un Chesne dur, puissant, robustre et fort.
Contre un Roseau foyble et débile et tendre.
Pour démonstrer sa puissance et effort,
Jadis voulut quereller et contendre,
En soutenant qu’il n’oser oit prétendre
Se comparer à luy quantan puissance :
Car, s’il le fa i et, luy offre sans attendre
Livrer assault et lui porter nuysance.
Quand le Roseau eust ouy les contends
Et les propos de ce Chesne orgueilleux,
Il luy a dict ; « On pourra voir en temps
Lequel sera le plus fort de nous deux. »
Or cependant qu’ils devisoient entre eulx
De leur pouvoir, voicy venir un erre
De vent de bise, aspre et impétueux,
Qui faict tomber le Chesne sur la terre
Quand il se veist en ce poinct abatu
Et le Roseau estre debout encoire,
Il demanda par quel’ force et vertu
Il avoit peu obtenir la victoire.
Il luy a diet pour raison péremptoire
Que ce a esté pour avoir obey
A cestuy vent, car luy estoit notoire
Qu’il fust rompu, s’il eust desobey.
- Guillaume Haudent – (XVe. – XVIe. siècle)
Delia Canna et dell’ Olivia
Ela canna e l’oliva un giorno insieme
Vengono di valore a grand contesa ;
Chiascuna l’altra vilipende e preme
Con parlar ch’a l’honor contraria, e pesa.
Dice l’oliva : lo che con forze estreme
Sostener soglio ogni importante offesa,
Saro minor de te, putrida e vile !
Che non hai planta a tua vilta simile !
lo l’oltraggio dé venti e le tempette
Sostegno ogn’ hor co’ miei nervosi rami.
Tu pur che minima aura in te si deste,
Batti il terren coi crin languidi e grami.
Cede quai vinta alhor la canna a queste
Parole, et par che non responder brami,
Fin che’l tempo non venga, onde sicura
Risponder possa a tanta sua pressura.
Ecco de’ venti impetuosi stuolo
Fra pochi giorni le campagne assale.
E si piega la canna insino al suolo,
Poi si releva alfin come habbia l’ale.
L’oliva che nel cor sente gran duolo
Di ceder tosto come cosa frale,
Dura resiste al primo assolto, e’l vento
Sprezza, e leggiera in lui prende ardimento.
Ma quel, che pur non puô piegarla al piano,
Da radice la sueglie, e a terra caccia.
Allor la canna la vittoria in mano
Si vede, e dice, a lei con lieta faccia :
Ecco, mischina, il tuo voler insano
Come par ch’ a te giovi, e honor faccia ?
Tu dura altrui resisti, hor morta sei.
lo cedo a tutti, e sani ho i rami miei.
L’humil che cede al suo maggior, ventura
Miglior s’acquista, e lungamente dura.
- Verdizotti – (1530-1607)
Le Chêne et le Roseau
Un arbre reprochait au roseau sa faiblesse :
Il vient au prompt orage ; un vent souffle sans cesse :
L’arbre tombe plutôt que de s’humilier,
Et le roseau subsiste à force de plier.
Le chêne par les vents tombe déraciné,
Quand le roseau soutient leur courroux mutiné.
Hélas ! s’il est ainsi, que les grands sont à plaindre,
Plus on est élevé, plus on a lieu de craindre.
- Isaac de Benserade – (1612 – 1691)
Le chêne et le Roseau
Le Chêne un jour dit au Roseau :
“Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet* pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent*.
La nature envers vous me semble bien injuste.
– Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. “Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Le Chêne et le Roseau
LE CHÊNE.
Hélas ! pauvre petit roseau,
Vous avez bien sujet d’accuser la nature.
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tète,
Cependant que mon front, au Caucase pareil.
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr;
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir;
Je vous défendrais de l’orage.
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords du royaume du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
LE ROSEAU.
Votre compassion pour moi, chétif arbuste,
Part d’un bon naturel, mais quittez ce souci ;
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie et ne romps pas ; vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos.
Mais attendons la fin,
LE CHÊNE.
Je pardonne ces mots
A votre peu d’expérience.
LE ROSEAU.
Bientôt nous allons constater,
Monseigneur, si Votre Éminence
Des vents n’a rien à redouter.
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le nord ait portés jusqu’ici dans ses flancs .
Tenez bon; quant à moi, je plie…
Que vois-je, hélas? le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts
- Champeau, Louis-Dominique (1817-1880)
Le Chêne et le Roseau
Air : Ah! vont dirai-je, maman.
Sur le bord d’un clair ruisseau,
Croissait un jeune roseau ;
Il était doux et timide,
Regardant l’onde limpide,
Le jour lui servant de miroir,
Et de bain de pieds le soir.
Quand le moindre vent soufflait,
Le roseau se balançait;
Et puis sa tige agitée
Chantait d’une voix flûtée
Ah! vous dirai-je, maman.
Ce qui cause mon tourment!
Ce qui causait son tourment,
C’était un affreux géant!
Ce géant, c’était un chêne
Aussi vieux que Démosthène,
Qui du haut de sa grandeur
Lui tint ce propos moqueur :
Sur l’honneur, dit-il, mon cher,
On devrait te mettre au vert,
Tu log’s un’ grenouille à peine,
Et pendant qu’elle te gêne
J’héberge cinq cents corbeaux,
Qui sur moi sont aux oiseaux!
Je suis l’arbre le plus fort
Et résiste sans effort
A la plus grosse tempête ;
Mais toi lu courbes la tête
Comme le corbeau confus,
Jurant qu’on n’ l’y pinc’ra plus.
J’ai beaucoup d’éducation,
Et pas mal d’érudition ;
Près d’ moi l’on trouve églantine.
Chacun sait que j’ai racine;
Je n’ manqu’ pas d’feuill’s et l’on voit
Souvent corneilles sur moi !
Quoi! lu fais des calembourgs ;
A moi, dit l’autre à son tour :
Je connais plus d’un proverbe,
Ma grand’mère aime les herbes ;
Mais la fontain’ fut toujours
Du roseau les seuls amours!
Transporté d’un haut mépris,
Le chêne lui répondit :
Tu seras jusqu’à ta chute
Du bois dont on fait les flûtes,
Qui vous brisent le tympan
Lorsqu’y souffle certain Pan !
Tu dis que j’ai le cœur dur,
Je m’en fais gloire à coup sûr :
Pour fair’ des voitur’s on m’ tranche.
Dans le tendre bois d’ mes branches;
Mais je suis, quand je m’ fais vieux.
Toujours en fer pour l’essieu !
Tiens, précisément, voici
Que l’horizon s’obscurcit;
Je te parie un décime
Que de mes pieds à ma cime
Je ne vais pas plus broncher
Que de Saint-Malo l’ rocher !
Il faisait ses embarras,
Mais la tempête arrivai
Tout-à-coup le chêne casse…
L’autre se courbe avec grâce…
Au géant déraciné
Le roseau fit un pied d’ nez !…
MORALE.
On a tort d’être poltron,
Encor plus d’être fanfaron ;
Les grands font toujours leur tête;
Mais au jour de la tempête,
Vous voyez alors qu’il vaut
Beaucoup mieux être roseau.
- Marc Constantin.
La musique, arrangée par A. Marquerie, se trouve chez MM. Heugel et Cie, r. Vivienne.