“Des Coqs et de la Perdrix” – Un homme qui se plaisait à nourrir une grande quantité de Poulets, acheta une Perdrix qu’il mit dans sa basse-cour parmi ses autres volailles. Dès que les Coqs la virent, ils lui donnèrent la chasse pour l’empêcher de manger, et ils la becquetèrent avec tant de violence, qu’elle fut obligée de s’enfuir. La Perdrix fort affligée de se voir chassée de la sorte, parce qu’elle était étrangère et nouvelle venue, se consola un moment après, en voyant les Coqs acharnés les uns contre les autres se déchirer des griffes et du bec. ” S’ils se font une guerre si cruelle, dit la Perdrix, quoiqu’ils aient été nourris ensemble, et s’ils se traitent avec tant d’inhumanité, je ne dois pas m’étonner qu’ils m’aient rebutée, moi qui ne suis qu’une étrangère. “
Autre version
” Les Coqs et les Perdrix “ – Un homme qui avait des coqs dans sa maison, ayant trouvé une perdrix privée à vendre, l’acheta et la rapporta chez lui pour la nourrir avec les coqs. Mais ceux-ci la frappant et la pourchassant, elle avait le coeur gros, s’imaginant qu’on la rebutait, parce qu’elle était de race étrangère. Mais peu de temps après ayant vu que les coqs se battaient entre eux et ne se séparaient pas qu’ils ne se fussent mis en sang, elle se dit en elle-même : « Je ne me plains plus d’être frappée par ces coqs ; car je vois qu’ils ne s’épargnent pas même entre eux. »
Cette fable montre que les hommes sensés supportent facilement les outrages de leurs voisins, quand ils voient que ceux-ci n’épargnent même pas leurs parents.
Ἀλεκτρυόνες καὶ πέρδιξ
Ἀλεκτρυόνας τις ἐπὶ τῆς οἰκίας ἔχων, ὡς περιέτυχε πέρδικι τιθασῷ πωλουμένῳ, τοῦτον ἀγοράσας ἐκόμισεν οἴκαδε ὡς συντραφησόμενον. Τῶν δὲ τυπτόντων αὐτὸν καὶ ἐκδιωκόντων, ὁ πέρδιξ ἐβαρυθύμει, νομίζων διὰ τοῦτο αὐτὸν καταφρονεῖσθαι ὅτι ἀλλόφυλός ἐστι. Μικρὸν δὲ διαλιπών, ὡς ἐθεάσατο τοὺς ἀλεκτρυόνας πρὸς ἑαυτοὺς μαχομένους καὶ οὐ πρότερον ἀποστάντας πρὶν ἢ ἀλλήλους αἱμάξαι, ἔφη πρὸς ἑαυτόν: “Ἀλλ’ ἔγωγε οὐκέτι ἄχθομαι ὑπ’ αὐτῶν τυπτόμενος: ὁρῶ γὰρ αὐτοὺς οὐδὲ αὑτῶν ἀπεχομένους.”
Ὁ λόγος δηλοῖ ὅτι ρᾴδιον φέρουσι τὰς τῶν πέλας ὕβρεις οἱ φρόνιμοι, ὅταν ἴδωσιν αὐτοὺς μηδὲ τῶν οἰκείων ἀπεχομένους.
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
- Porter patiemment les injures
On endure bien doulcement
Injure de son adversaire
Quand on sçait veritablement
Qu’il est coustumier de ce faire.
De la Perdrix et des Coqs
Quelque laboureur acheta
Une Perdrix pour son plaisir,
Dedans son hostel la porta,
Et toute nuict la feit gesir
Avec les Coqs au poulailler,
Lesquelz la vindrent travailler,
Et de leurs becqs la picquoterent,
De leur fiente l’infecterent,
Dont la Perdrix plainct et lamente,
Pensant que ce soit la manière
Que, pource qu’elle est estrangere,
On la batte ainsi et tourmente.
Ceste Perdrix, ung peu apres,
Veid ces Coqs qui s’entrchatoient ;
L’ung de l’aultre approchoient si prés
Que des ongles et becqs joustoient.
« Je n’ay (dict elle) de merveille
S’ainsi on me fasche et traveille,
Veu que ces Coqs d’une nature
Ont entr’eulx une guerre dure. »
L’injure à porter est facile
Du maulvais et l’injurieux,
Qui d’une coustume incivile
Est à tous ainsi furieux.
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)
La Perdrix et les Coqs
Parmi de certains Coqs incivils, peu galants,
Toujours en noise et turbulents,
Une Perdrix était nourrie.
Son sexe et l’hospitalité,
De la part de ces Coqs peuple à l’amour porté
Lui faisaient espérer beaucoup d’honnêteté :
Ils feraient les honneurs de la ménagerie.
Ce peuple cependant, fort souvent en furie,
Pour la Dame étrangère ayant peu de respec,
Lui donnait fort souvent d’horribles coups de bec.
D’abord elle en fut affligée ;
Mais sitôt qu’elle eut vu cette troupe enragée
S’entre-battre elle-même, et se percer les flancs,
Elle se consola : Ce sont leurs moeurs, dit-elle,
Ne les accusons point ; plaignons plutôt ces gens.
Jupiter sur un seul modèle
N’a pas formé tous les esprits :
Il est des naturels de Coqs et de Perdrix.
S’il dépendait de moi, je passerais ma vie
En plus honnête compagnie.
Le maître de ces lieux en ordonne autrement.
Il nous prend avec des tonnelles,
Nous loge avec des Coqs, et nous coupe les ailes :
C’est de l’homme qu’il faut se plaindre seulement.
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)
Les coqs et la perdrix
Une Perdrix s’affligeait fort d’être battue par des Coqs ;
mais elle se consola, ayant vu qu’ils se battaient eux-mêmes.
Si d’une belle on se voit maltraiter
Les premiers jours qu’on entre à son service,
Il ne faut pas se rebuter :
Bien des Amants, quoiqu’Amour les unisse,
Ne laissent pas de s’entrepicoter.
- Charles Perrault – 1628 – 1703