Un jeune Berger qui faisait paître ses troupeaux sur une colline, donnait souvent, pour se divertir, de fausses alarmes aux Bergers des environs, et criait au Loup, quoiqu’il n’en parût aucun. Les Bergers et les Laboureurs venaient promptement à son secours. Il arriva un jour qu’un Loup lui enleva effectivement une de ses Brebis. Alors il se mit à crier de toute sa force ; mais les autres croyant qu’il se moquait d’eux à son ordinaire, ne se mirent point en peine de venir le secourir. Ainsi le Loup emporta la Brebis, sans que personne s’y opposât.
Autre version
“Le berger mauvais plaisant ” – Un berger, qui menait son troupeau assez loin du village, se livrait constamment à la plaisanterie que voici. Il appelait les habitants du village à son secours, en criant que les loups attaquaient ses moutons. Deux ou trois fois les gens du village s’effrayèrent et sortirent précipitamment, puis ils s’en retournèrent mystifiés. Mais à la fin il arriva que des loups se présentèrent réellement. Tandis qu’ils saccageaient le troupeau, le berger appelait au secours les villageois ; mais ceux-ci, s’imaginant qu’il plaisantait comme d’habitude, se soucièrent peu de lui. Il arriva ainsi qu’il perdit ses moutons.
[quote style=”1″]Cette fable montre que les menteurs ne gagnent qu’une chose, c’est de n’être pas crus, même lorsqu’ils disent la vérité.[/quote]
- Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Contre les menteurs
Qui s’accoustume de mentir
Après qu’il a baillé de bourde,
On ne peult à luy consentir,
Car on luy fait l’aureille sourde.
Du Berger menteur
Ung Pastoureau dessus ung mont gardoit
Ses doulx Aigneaulx, ses Moutons et Brebis;
De ses voisins se mocquoit et lardoit
Quand il estoit saoul d’eau et de pain bis.
Il s’écrioit : ” Helas! les loups famis
M’ont desrobé, et mes moutons emportent. ”
Gentz mensongers jamais vray ne rapportent.
Par plusieurs fois les laboureurs d’entour
Vindrent au cry, mais les Loups ne trouvoient,
Et bien souvent leur dressa ce bon tour.
Estants deceuz quand ilz y arrivotent.
Ung jour les Loups le parc de prés suyvoient,
Une brebis leur demoura pour proie.
Tost vient le mal combien qu’envis on croye.
Ce Pastoureau, te larrecin voyant
Du maistre Loup qui ta Brebis emporte:
« Au Loup! au Loup! » disoit il en criant.
Mais de secours arne ne te conforte :
Là on le laisse, aulcun ne s’y transporte,
Car trop souvent les avoit abusez.
Tousjours en fin sont prins les plus rusez.
Homme qui est souvent trouvé menteur,
S’on l’apperçoit on ne le veult pas croire;
Voire fut il de vérité l’autheur .
Ne sera creu ny tenu pour notoire :
C’est son loyer, il n’a point d’aultre gloire.
C’est bien raison, s’il use de mensonge,
Que vérité luy soit imputé songe.
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)
Le Berger qui crie à faux
Un Berger à tête peu sage,
Dans un vallon voisin faisoit, près d’un village,
A son troupeau bêlant, tondre le serpolet :
Ses Moutons en repos paissoient l’herbe fleurie,
Tandis que des accords de son doux flageolet
Il repaissoit sa rêverie.
Le jeune nomme en cela ne manquoit pas d’esprit ;
Mais une fausse peur un certain jour le prit,
En jetant ses regards sur la forêt prochaine
Il crut en voir sortir un Loup,
Et le Fat se mit tout-à-coup
A crier, à perte d’haleine,
Au Loup, au Loup, au Loup: ce n’étoit rien pourtant;
Mais tout le village à l’instant
Court, avec arme meurtrière:
L’un d’un bâton ferré, l’autre d’un pic pourvu ;
Mais personne n’ayant rien vu,
Chacun revient dans sa chaumière.
Le Berger qui les vit prompts à le secourir
Voulut s’en redonner encor la comédie,
Et dès le lendemain, d’une voix plus hardie,
Il se met à crier, et manants d’accourir;
Rien ne paroît, on se retire :
Quatre, cinq et six fois aux cris même concours,
On s’y laisse duper; mais à force de tours
On reconnut enfin que le Fat vouloit rire,
Et tous pour lui devinrent sourds.
Cependant, un beau jour, vint, en effet, la bête
Qui se rua sur le troupeau,
À force de crier le Berger romp la tête
Aux habitants de son hameau ;
A l’aide citadins, aux armes,
Leur disoit-il, c’est tout de bon,
Au Loup, vous dis-je; au Loup il emporte un Mouton.
Mais il a beau crier, on rit de ses allarmes,
Et pas un ne songe à ses cris :
Le Loup revient, même manège,
Et le sot tous les jours voit quelque Mouton pris.
Voilà quelle est la fable, à qui l’appliquerai-je ?
A vous, peuples, qui non content
Du bon-temps,
A force de faux cris, et de folles prières,
Avez de Jupiter fatigué la bonté:
Aujourd’hui vous souffrez de toutes les manières,
Vous criez de nouveau, mais il n’écoute guères
Des cris dont il est rebuté !
- Eustache Le Noble – (1643 – 1711)
Les Bergers
Guillot crioit au Loup un jour par passe-temps
Un tel cri mit l’alarme aux champs.
Tous les Bergers du voisinage
Accourent au secours, Guillot se moqua d’eux.
Ils s’en retournèrent honteux,
Pestant contre son badinage,
Mais rira bien qui rira le dernier.
Deux jours après, un Loup avide de carnage,
Un véritable Loup-cervier,
Malgré notre Berger et son Chien, faisoit rage,
Et se ruoit sur le troupeau.
Au Loup, s’écria-t-il, au Loup. Tout le hameau
Rit à son tour. A d’autres, je vous prie,
Répondit-on, l’on ne nous y prend plus.
Guillot, le goguenard, fit des cris superflus ;
On crut que c’étoit fourberie.
Un menteur n’est point écouté,
Même en disant la vérité.
- Henri Richer – (1685 – 1748)
Puer et Agricole
Succurrite, Lupus en adest, clamaverat
Semel iterumque per jocum nugax Puer,
Custos bidentum, credulosque exciverat
Agricolas: at opem postulare serio
Quùm deindè cogeretur, hi metuunt dolum,
Nec jam subveniunt; et Lupus praedam rapit.
Quicumque mendax esse creditur, licet
Aliquando verum dicat, haud facit fidem.
- François- Joseph Terrasse Desbillons – (1711 – 1789)