Un Paysan se mit un jour en colère contre un Serpent qu’il nourrissait, et prenant à la main un bâton, il se mit à le poursuivre. Le Serpent, après avoir reçu quelques blessures, s’échappa. Depuis cette aventure, le Laboureur tomba dans une extrême pauvreté, et crut que les mauvais traitements qu’il avait faits au Serpent étaient la cause de son malheur. Il alla le chercher, en le priant de revenir dans sa maison. Le Serpent s’en excusa, et lui dit qu’il ne pouvait s’y résoudre, ne croyant pas pouvoir vivre en sûreté avec un homme si incommode. ” Quoique mes plaies soient guéries, ajouta-t-il, le souvenir de tes cruautés ne peut s’effacer de ma mémoire. “
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Esope – VIIe-VIe siècle av. J.-C.
Le Villain et le Serpent
Un villain s’était lié d’amitié avec un serpent, et il lui renouvelait chaque jour ses protestations d’attachement. La maligne bête voulut s’en assurer: elle allégua un voyage, et avant de partir donna au villageois un œuf qu’elle lui recommanda de garder bien exactement. Tant de soins et de prédilection pour un œuf le surprirent : il en demanda la raison. « C’est qu’à cet œuf est attachée la conservation de mes jours, répondit le serpent; à l’instant même qu’il se cassera je dois mourir. » En parlant ainsi, l’animal dit adieu à son compagnon et feignit de s’éloigner; mais son discours avoit échauffé la cervelle du manant. Celui-ci se crut possesseur de la vie du reptile, et s’imagina que, s’il le faisait périr, il s’emparerait de tous ses trésors. Dans ce dessein il jette l’œuf par terre; mais à peine l’a-t-il cassé, que le serpent, retournant sur lui en colère, lui reproche sa perfidie et le quitte pour jamais.
Ne confiez jamais ni votre honneur à un traître ni votre trésor à un avare.
- Marie de France – 1160-1210