Un Paysan ayant rencontré dans une forêt un Satyre demi-mort de froid, le conduisit dans sa maison. Le Satyre voyant que ce Paysan soufflait dans ses mains, lui en demanda la raison. ” C’est pour les réchauffer, lui répondit-il. ” Peu de temps après, s’étant mis à table, le Satyre vit que le Paysan soufflait sur son potage. Il lui demanda, tout étonné, pourquoi il le faisait. ” C’est pour le refroidir, répliqua le Paysan. ” Alors le Satyre se levant de table, sortit promptement de la maison. ” Je ne veux point de commerce, dit-il au Paysan, avec un homme qui souffle de la même bouche le chaud et le froid. “
Autre version
” L’Homme et le Satyre” – Jadis un homme avait fait, dit-on, un pacte d’amitié avec un satyre. L’hiver étant venu et avec lui le froid, l’homme portait ses mains à sa bouche et soufflait dessus. Le satyre lui demanda pourquoi il en usait ainsi. Il répondit qu il se chauffait les mains à cause du froid. Après, on leur servit à manger. Comme le mets était très chaud, l’homme le prenant par petits morceaux, les approchait de sa bouche et soufflait dessus. Le satyre lui demanda de nouveau pourquoi il agissait ainsi. Il répondit qu’il refroidissait son manger, parce qu’il était trop chaud. « Eh bien ! camarade, dit le satyre, je renonce à ton amitié, parce que tu souffles de la même bouche le chaud et le froid. »
Concluons que nous aussi nous devons fuir l’amitié de ceux dont le caractère est ambigu.
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Esope – (VIIe-VIe siècle av. J.-C)
Le Satyre et le Passant
Au fond d’un antre sauvage
Un satyre et ses enfants
Allaient manger leur potage,
Et prendre l’écuelle aux dents
On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme, et maint petit;
Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit .
Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie :
Il n’était pas attendu .
Son hôte n’eut pas la peine
De le semondre deux fois.
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts .
Puis sur le mets qu’on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Le satyre s’en étonne :
“Notre hôte, à quoi bon ceci ?
– L’un refroidit mon potage;
L’autre réchauffe ma main.
– Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin .
Ne plaise aux dieux que je couche
Avec vous sous même toit !
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid !
- Jean de la Fontaine – (1621 – 1695)