Enfin, mon œuvre est terminée ;
Quelle en sera la destinée,
Ô ma Muse, le savez-vous ?…
Quoi, vous ne répondez ?… Muse, c’est à miracle
Vous référer à Jean, mon maître et mon oracle,
Lorsqu’il dit, en faisant l’horoscope de tous :
« Jupin, pour chaque état, mit deux tables au monde
L’adroit, le vigilant, et le fort, sont assis
A la première ; et les petits
Mangent leur reste à la seconde. »
Muse, il est vrai qu’Ésope, Phèdre, et Jean,
Ont si bien fait honneur au banquet de la fable,
Que ce qu’ils ont laissé, de la première table,
A la seconde, hélas ! ce n’est, bon an, mal an,
Et doux nectar, et suave ambroisie,
Que tout juste de quoi nous en donner l’envie.
Pourtant, on en a vu plus d’un,
Chez qui, peu que ce soit, le céleste parfum
Avait échauffé le génie,
S’élevant d’essor en essor,
Obtenir, lui petit, quelque modeste place
Aux pieds des Princes du Parnasse :
Ô mon rêve, beau rêve d’or,
Ne serais-tu, pour moi, qu’une vaine espérance ?…
Muse, vous vous taisez encor !…
Hé bien, malgré votre silence,
Je vous comprends de mieux en mieux :
Le Public, pensez-vous, est, de nos jours, en France,
Un être fort capricieux ;
Nul ne peut connaître, d’avance,
Ni quels seront ses Rois, ni quels seront ses Dieux ;
Or, qui pourrait savoir quels seront ses Poètes !
Rêver Parnasse, invoquer Apollon,
Pour cet être railleur, ce sont franches sornettes ;
Donc, lui parler de Muse, oh ! la belle chanson !
Le malin se rirait de pareils amulettes.
Muse, merci, je tiens, à présent, ma leçon,
Et le prends sur un autre ton.
Salut, Ami Lecteur ! Voilà mes fables faites ;
Puisses-tu les trouver comme tu les souhaites !
Mais, la diversité, d’ailleurs, n’y manque point.
De plus, je tâche, en cette affaire,
A l’exemple de Jean, et d’instruire, et de plaire.
Que si mon bon vouloir me trahit sur ce point,
Sache que tout censeur a droit à mon estime,
Comme à mon amour tout lecteur.
En effet, peu sage est l’auteur,
De qui l’Âme pusillanime
Met en oubli cette maxime :
« Fais ce que dois, advienne que pourra. »
Loin que la vérité m’offense,
Je n’ai qu’un mot pour ma défense :
Honoré soit celui qui me critiquera ;
Mais, béni soit, d’abord, celui qui me lira !
Epilogue, d’Etienne Catalan, 12 Février 1848