Air : Ramones ci, ramones la. etc.
Un’ jeun’ fille avait un père
Qui vendait du drap d’Elbeuf ;
Il lui fit don d’un’ bell’- mère,
Vu qu’y s’ trouvait par trop veuf;
Cett’ fill’ huit jours après… p’t’ êt’ neuf.
Était plus malheureuse qu’un’ pierre :
Faut dir’ que la bell’-mère avait
Deux fill’s qu’en dot elle apportait
Et qui n’étaient pas bell’s du tout,
C’ qui fait qu’ ça les vexait beaucoup,
Car l’autre était un vrai bijou !
Si bien que c’te pauv’ petite
Avait l’ droit dans la maison,
D’ nettoyer tout’s lés marmites,
D’ manger tous les rogatons ;
Enfin, on l’app’lait Cendrillon,
Car la ch’minée était son gîte :
Ses chipies d’ sœurs en riaient, faut voir.
Quand leur maman vint à r’cevoir
Un p’tit billet d’Abd-el-Kader,
Qui donnait un bal près d’Alger,
Et les priait d’ s’y rendr’ par mer.
Ces d’moisell’s, à leurs toilettes,
Firent travailler Cendrillon ;
Elle leur fit des rob’s très… chouettes
Et leur frisa le chignon ;
Puis ell’s lui dir’nt : — Garde la maison.
C’est bon pour un’ laveus’ d’assiettes.
Ell’ pleura tant de c’ camouflet
Qu’elle en remplit un grand baquet;
Mais, heureus’ment que son parrain.
Qu’était monsieur Robert-Houdin ,
Vint mettre un terme à son chagrin.
Je vois bien dit-il, ma biche
Tu voudrais aller au bal
V’la qu’il souffl’ sur le caniche
El qu’il le change en cheval ;
Il fait un fiacre triomphal
Avec une vieille bourriche,
Il change en cocher l’ perroquet,
En petit groom le sansonnet;
Puis, il lui donne un beau tartan,
Avec un’ rob’ de bouracan
Et de jolis socqu’s bien r’luisants.
V’la qu’il souffl’ sur le caniche
El qu’il le change en cheval ;
Il fait un fiacre triomphal
Avec une vieille bourriche,
Il change en cocher l’ perroquet,
En petit groom le sansonnet;
Puis, il lui donne un beau tartan,
Avec un’ rob’ de bouracan
Et de jolis socqu’s bien r’luisants.
Mais, surtout, dit c’t’ homm’ habile,
Quitt’ le bal avant minuit,
Ou, sans ça, d’vant l’mond’ kabyle,
Tu r’prendrais tes vieux habits !.
Cendrillon dit : c’est dit, qu’elle dit,
Et, pour Alger, la v’la qui file.
Au bal aussitôt qu’ell’ parut,
Au fils d’ Abd-el-Kader ell’ plut.
Ses sœurs eur’nt l’air très chagriné,
Et la r’gardèr’nt sans rien d’viner,
Vu qu’elle avait mis un faux nez.
Chacun monta sur sa chaise
Pour la voir à la polka ;
De brioch’s chaud’s comm’ la braise
Abd-el-Kader la combla :
Son fils, qu’avait l’ cœur pris déjà.
N’en put manger… que quinze ou seize.
Pour la première, il l’invita,
Quant ménuit moins un quart sonna;
Mais Cendrillon s’ sauve et lui dit :
Merci, mon portier m’ l’interdit ;
Il n’ouvr’ jamais après ménuit.
Mais, dans sa fuite, assez fine,
Un de ses socques tomba;
Au moyeu d’un’ Constantine,
Dans Elbœuf elle arriva :
Le jeune prince ramassa
Ce socque et l’ mit sur sa poitrine,
Le pied qui chaussait ce socqu’- ci,
Dit-Il, me trotte dans l’esprit.
L’ fait est qu’il y trottait si bien
Qu’il fit proclamer, un matin,
Qu’ cell’ qu’avait le pied aurait sa main.
En vain a toutes les d’moiselles.
On essaya l’ socqu’ susdit;
Les deux sœurs, nos péronnelles,
N’eur’nt pas le pied assez p’tit ;
Mais Cendrillon, c’ qui les réjouit,
D’manda de l’essayer comme elles.
Figurez-vous leur saisissement!
Le socqu’ lui allait comm’ un gant.
Leur plaisir ne fut pas très vif;
Mais ell’s se dir’nt, c est positif :
C’est ell’ qui portait le faux pif.
Un cortège magnifique,
Composé d’beaucoup d’chameaux,
La conduisit en Afrique
Au jeune princ’ des m’ricauds;
Après un festin des plus beaux.
On eut la lanterne magique.
Cendrillon, qu’avait très bon cœur.
Ayant amené ses deux sœurs,
Leur dit : J’ n’ vous en aim’ pas moins,
Et deux mois après d’vant témoins,
Leur fit épouser deux Bédouins.
MORALITE.
Enfants, qu’ ceci vous apprenne
A bien choisir, en naissant,
Votr’ parrain et votr’ marraine ;
Vous en voyez l’agrément ;
N’ rentrez pas tard dans votr’ logement;
A votr’ portier ça f’rait d’ la peine.
Attachez vos souliers très mal
Et tâchez d’en perdr’ un au bal :
C’est l’ moyen de vous marier,
Et, si l’on vous rend votr’ soulier
De r’trouver chaussure à votr’ pied.
Ch. Delange. La musique se trouve chez Meissonnier fils, éditeur, rue Dauphine, 18. Histoire de Cendrillon.