Les bons amis
Dès le malin, se trouvant déjà pris,
Plusieurs buveurs s’en retournaient au gite :
Mais en quittant la table, ils avaient tous promis.
Foi d’ivrognes, et foi d’amis,
De se rejoindre encor le jour même, au plus vite.
De plus en plus s’égare la raison,
En cherchant leur logis ils perdent l’unisson (1),
Et non sans peine, enfin, la troupe se divise.
Chacun alors s’emportant a sa guise, .
Et par malheur à soi-même livré,
Fait en publie mainte sottise.
Celui-ci veut se battre, un autre scandalise
Les badauds curieux dont il est entoure ;
Legnet (2) en arrête un ; déjà l’autre est coffré (3) ;
Tous ont le même sort, sans qu’aucun d’eux se doute
Qu’on fait à ses amis prendre la même route.
Ainsi ce qui fut dit fut fait ;
Et trop fidèles en effet
Aux paroles qu’ils se donnèrent,
Avant dîner, au châtelet (4),
Ces bons amis se retrouvèrent.
(2) La hommes qui sont chargés de veiller à la tranquillité, au bon ordre, dans une ville.
(3) Impression familière, mis en prison.
(4) Ancienne prison publique à Paris. (fable Ivrognerie)
Choix de fables françaises en vers, tirées des meilleurs fabulistes… par B. E. Rigaud,… Éditeur : A. Poilleux (Paris) – 1847