Un vieux chêne au tranquille ombrage
Abritait un double ménage
De ramiers amoureux, passant leurs heureux jours
A se raconter leurs amours,
Trouvant, ce que le cœur nous fait trouver toujours,
Du bonheur au second comme au premier étage,
Et faisant de leurs nids, cachés sous le feuillage,
Le plus fortuné des séjours.
Leurs murmurantes voix charmaient le voisinage
Toujours la douce paix, point de querelle ; enfin
C’était à faire envie au pauvre amour humain,
Qui ne sait aujourd’hui ce qu’il sera demain.
Or, un jour de printemps, l’une des tourterelles
Vit éclore les œufs que depuis bien longtemps
Elle réchauffait sous ses ailes :
On juge de la joie et des roucoulements !
Le ramier, brillant d’allégresse,
Vole chez ses amis raconter son bonheur :
« Mes petits sont éclos, la bonté du Seigneur
A récompensé ma tendresse.
D’un regard paternel il a vu nos amours !
Que ce jour soit béni parmi les plus beaux jours ! »
L’autre ramier lui dit : « Vous êtes dans la joie !
Jouissez du bonheur que le Ciel vous envoie :
Pour moi, je ne puis que pleurer.
Sur ses œufs bien-aimés, ma plus douce espérance,
J’ai vu ma compagne expirer !
Allez, chantez à Dieu votre reconnaissance,
Et parmi vos enfants, hôtes d’un heureux nid,
Célébrez le beau jour qui leur donna naissance.
Moi, je ne puis trouver que des cris de souffrance.
Ce jour m’a tout ôté : que ce jour soit maudit ! »
C’est ainsi que toujours une moitié du monde
Se plaint amèrement lorsque l’autre applaudit.
Depuis longtemps le proverbe l’a dit :
En chagrins, en plaisirs, l’humanité féconde,
C’est Jean qui pleure et Jean qui rit !
“Jean qui pleure, Jean qui rit”