Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
Je ne sais pas trop où, ni pourquoi, ni comment ,
Un âne sot et vain fut privé de sa queue :
» Il s’en affligeait vivement,
Courait la ville et la banlieue,
Pour retrouver cet ornement.
« J’ai perdu, disait-il, ma plus belle parure !
» Bref, par monts et par vaux, sans cesse cheminant,
Il se plaignait à toute la nature
De ce fatal et cruel accident.
Advint qu’un jour, par aventure,
Un beau jardin ouvert s’offrit à ses regards.
Le nouveau chevalier de la triste figure
Entre, cherche sa queue, erre de toutes parts ;
Brise les arbres nains dans les carreaux épars,
Et foule à chaque pas les fleurs et la verdure.
Le jardinier, homme avare et brutal,
Alors pour le marché remplissait ses corbeilles ;
Il s’arma de ciseaux, saisit l’auteur du mal ;
Puis, l’achevant de peindre, à ce pauvre animal
D’une main sans pitié coupa les deux oreilles.
Affrontant chaque jour l’onde et l’Algérien,
Le commerçant, au milieu de ses veilles,
À l’argent pour mobile, et l’espoir pour soutien.
Perd-il un bâtiment? Pour rattraper son bien,
Livrant ce qui lui reste à vingt chances pareilles,
Il finit par n’avoir plus rien.
“L Âne qui cherche sa queue”