Une bougie de cire observait un matin
Une brique blindant les flancs d’un four à pain.
” Madame, lui dit-elle avec force courbettes,
Je vous envie beaucoup d’être ce que vous êtes !
Je me trouve si pâle et flasque en vous voyant,
Vous dont l’écorce dure a un ton rougeoyant.
On comprend, à vous voir, que votre cuir est rude,
Que vous êtes sans peur rien qu’à votre attitude.
Hélas ! Regardez-moi ! Je suis bien ramollie,
Mollusque plus qu’à souhait et toute décrépie.
A peine mon bougeoir me retient sur son cuivre.
Un choc un peu trop fort et je cesse de vivre.
Je vis effarouchée, peureuse en mon giron,
Craigant qu’un maladroit me blesse sans raison !”
La brique la toisa, puis d’un air débonnaire,
Elle lui dit : ” Ma mie, vous avez peu à faire
Pour pouvoir comparer votre sort et le mien !
Quand je dis que c’est peu, c’en est lilliputien…
Autrefois, comme vous, j’étais molle et fragile,
Pour tout vous avouer, j’étais faite d’argile.
Mais depuis que l’on m’a fait cuire à cent degrés
Je suis devenue lourde et dure comme un grès !
Il ne tiendra qu’à vous de faire de la sorte.
Jetez-vous dans le feu, vous en sortirez forte,
Roide, lisse, durcie, robuste comme un roc.
Vous n’aurez plus jamais peur des coups et des chocs !”
La pauvrette la crut. Sans plus loin réfléchir,
Elle prit son élan, se jeta dans la flamme,
Se mit à fondre, hélas ! Et puis à rendre l’âme,
Sans avoir eu le temps de pousser un soupir,
Ou même un dernier cri, dire une patenôtre…
Ce qui convient à l’un ne convient pas à l’autre.
Gardons-nous, malheureux ! de copier toujours
Ce que font les voisins dans le monde alentour.
Ce qui les fortifie ne nous conviendra pas
Et suivre leur chemin peut conduire au trépas !
“La bougie et la brique”