Des quatre coins de l’horizon
Les vents soufflaient d’une fureur si vive
Qu’on eût pu croire avec raison
Qu’ils avaient forcé la prison
Où les tient enchaînés le dieu qui les captive.
Par ce beau temps-là, des enfants
Jouaient sur le rempart, la plupart en chemise.
A cet âge on ne craint ni le chaud ni la bise.
Variant ses amusements,
Selon le temps, la cohorte enfantine,
Avec du papier peint, se fit une machine
Qui partit de leurs mains et vola vers les cieux.
Les vents en prirent soin : jugez s’ils s’en jouèrent !
Si haut ils vous la soulevèrent,
Qu’elle échappa presqu’à leurs yeux.
Droit sur le centre de la ville
Elle fut se placer.
On la voyait légère, agile.
Deçà, delà se tourmenter.
La ficelle qui la dirige
Règle à propos son hardi mouvement.
Le premier qui vit ce prodige
Courut avec étonnement
Avertir ses voisins. Ceux-ci, pleins d’épouvante.
Répandirent ce bruit. La ville, en un moment,
Fut en rumeur. Chacun accourt et se lamente :
Tous, craignant quelque grand malheur.
Assurent qu’un tel phénomène,
De leur ruine trop certaine
Est sans doute l’avant-coureur.
Thèbes, jadis, ne fut pas plus émue
Quand sur ses murs parut un monstre ailé.
Monstre dont la fatale vue
Présageait ce fléau dont il fut tant parlé.
Qu’arriva-t-il ? Les vents finirent leur vacarme.
Le monstre en l’air ne put se soutenir sans eux,
Il tomba droit aux pieds des citadins peureux,
Qui rirent de leur fausse alarme.
“La Fausse Alarme”