Compagnons d’une même poche,
Deux écus, dont l’un faux, l’autre de bon aloi,
Causaient entre eux. Lorsque l’on est si proche,
Que peut-on faire mieux que causer entre soi,
Comme font deux voisins côte à côte en un coche ?
Notre écu faux disait à l’autre : — Sans reproche,
Tu ne vaux pas plus que moi,
Et j’ai cours tout comme toi ;
Car entre nous telle est la ressemblance
Qu’on n’y voit nulle différence.
— Cela se peut, du moins à l’apparence,
Lui répondit son compagnon ;
Mais que l’on t’examine avec attention,
Qu’on vienne à sonder ta substance,
Et grande alors sera la différence,
Et tu seras confisqué,
Et celui qui t’a fabriqué
En lieu sûr sera colloqué.
Le monde est plein de fausses pièces,
Non-seulement d’or et d’argent,
Mais de maintes autres espèces
Que nous offre l’humaine gent :
Appas menteurs, beautés fardées,
Fanfarons, qui vous tenez coi,
Quand il faut tirer vos épées,
Amis douteux, jeunes filles trompées,
Négociants sans bonne foi
Jugez chez qui fléchit la loi,
De vous le dire ici, quelque regret que j’aie,
Vous êtes tous de la fausse monnaie.
“La fausse Monnaie”