Jean Pierre Errera
Fabuliste contemporain – La grue et le petit ver tout nu
Sur le bord d’une onde pure.
Une grue survient à jeun, qui cherchait aventure.
Et que la faim en ces lieux attirait.
Elle y aperçut un ver de terre qui s’y baignait.
“Qui fais-tu là dans le ruisseau, petit vermisseau ?
Dit l’animal sur ses pattes dressé,
Tu vas regretter ta témérité.
– Madame, répond le ver de terre,
Ne vous mettez pas en colère ;
Mais plutôt considérez
Que je venais seulement me désaltérer
Et que si peu d’eau ne saurait
Vous en priver ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis à moi seul vous priver de votre boisson.
– Tu la troubles, reprit l’oiseau au plumage grisé.
Et pour ce méfait, tu seras mangé !
– Pitié, répondit l’invertébré, voyez quel dîner
je ferai, nu et cru, tel que vous me voyez !
La grue considéra mieux l’annélidé
pour s’en faire une idée.
– Permettez que d’une feuille de laitue
Je me sois entièrement vêtu.
La grue affamée le crut et se résolut à patienter
se disant que le menu ainsi serait agrémenté.
Le ver de terre disparut dans la salade touffue
Laissant l’échassier faire le pied de grue,
Échappant à jamais
à sa triste destinée.
Moralité :
Plutôt vivre cru que mourir nu !
Jean Pierre Errera