« Mon Dieu, mon Dieu, que je m’ennuie —
Dit un jour la Plume au Crayon. —
» Toujours dormir sur ce rayon !
» C’est amusant… comme la pluie.
» Par quelques comptes innocents
» Ou par quelques lettres d’affaires
» Je me distrais de temps en temps;
» Voilà mes plaisirs ordinaires!
» Pour être juste, à mon acquit
» Ajoutons la correspondance
» De la famille, où se dépense
» Plus de sentiment que d’esprit;
» Et c’est tout! Mais, pour toi, vois quelle différence
» Du matin au soir, alerte et joyeux,
» Sur un beau papier, ton heureux complice,
» Je te vois créant, suivant ton caprice,
» Un monde animé d’êtres merveilleux.
» Tu ne bannis pas la mélancolie,
» Mais jamais l’ennui ne vient sous tes pas
» Dessécher les fleurs de ta douce vie;
» Un labeur aimé ne fatigue pas! »
Le Crayon n’est pas égoïste
De sa nature; il fut touché
De voir sa voisine si triste :
Ecoute, — lui dit-il, — veux-tu faire un marché
» Associons nos destinées;
» Nous nous compléterons fort bien
» Par l’échange de nos idées
» Et chacun y mettant du sien.
» Ce qui pourra, sans commentaire,
» Se peindre avec un trait, j’en ferai mon affaire
» Et toi, plus longuement tu pourras expliquer
» Ce que je ne pourrais… croquer. »
Ce qui fut dit fut fait, et de leur alliance
Ce petit livre a pris naissance.
“La Plume et le Crayon”