Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
La Réputation , la Fortune et l’Amour ,
Trio qui gouverne le monde ,
Chez nous, pauvres humains, descendirent un jour.
Jadis , pour mieux régir cette machine ronde,
Les Dieux de temps en temps y venaient faire un tour.
Chacun voulant se conduire à sa guise ,
Désirait prendre un chemin différent.
On convint donc d’un point de ralliement;
Il fallut même, en dernière analyse ,
Savoir où se trouver en cas d’évènement.
« L’aspect du malheur m’importune ;
» Le sage est rarement l’objet de mes faveurs.
» Je ne me plais , dit la Fortune,
» Qu’au sein du faste et des grandeurs;
» Je suis inconstante , indocile.
» Elever, abaisser, ce sont là de mes jeux ,
» Et je cours pour un mois ou deux ,
» Tout de ce pas , élire domicile
» Chez quelque tyran ombrageux.
» L’Amour dit : « Sincère et timide,
» Je crains la cour et ses dangers.
» Quand vous voudrez savoir où je réside ,
» Cherchez-moi parmi les bergers.
» Là, nul amant n’est volage ou perfide ,
» Là , mes plaisirs ne sont point passagers. »
La Fortune avait pris le caprice pour guide,
L’Amour volait déjà vers Guide :
« Arrêtez, s’écria la Réputation,
» Ou renoncez à notre liaison.
« Ne m’abandonnez pas. Il est dans mon essence
» De m’attacher aux talents, aux vertus.
» Je consacre leur existence ;
» Mais qui me perd s’épuise en efforts superflus.
» On n’a jamais joui deux fois de ma présence.
» Celui qui m’a quittée ne me retrouve plus. »
La crut-on? non ; car il me semble
Que depuis ce funeste jour ,
On n’a jamais pu voir ensemble
La Réputation, la Fortune et l’Amour.
“La Réputation , la Fortune et l’Amour”