Sur la branche d’un ormeau
Roucoulait une tourterelle.
Chacun sait que cet oiseau
De la fidélité passe pour le modèle.
Il saluait d’un chant d’amour
Le printemps dont le retour
Le ramenait ainsi que l’hirondelle.
Guettant l’innocent animal
Aux pieds de l’arbre était une fouine :
« Descendez donc, ma voisine, »
Lui dit notre bête fine ;
« Parler de si loin fait mal ;
« Vous êtes si charmante et bonne
« Qu’avec vous je voudrais bien
« Avoir un moment d’entretien.
« Je vous chéris, ma mignonne;
« Quoi qu’en disent les jaloux,
« Inoffensive est ma personne ;
« Mais de grâce, approchez-vous ;
« Car à crier je m’époumonne. »
La tourterelle reprit :
« Tu ne manques pas d’esprit.
« De ruse encore moins, Finette,
« Moi je suis pas assez bête
« Pour souscrire à ta requête.
« Dès mon jeune âge on m’apprit
« Envers toi la défiance ;
« C’est pourquoi je reste à distance ;
« Ainsi m’avise la prudence.
« Tes dents, tes griffes me font peur ;
« Ton langage adulateur
« Médiocrement me touche ;
« Car rarement un flatteur
« A la vérité dans la bouche
« Et, malgré ton air de douceur,
« Ton amitié me semble louche. »
Le quadrupède penaud
Voyant son piège en défaut,
Partit sans en vouloir écouter davantage
Et sans assouvir sa rage ;
Le volatile était perché trop haut.
Gardez-vous de la flatterie
Du méchant qui se dit votre meilleur ami.
Il n’est pas de pire ennemi
Que celui qui vous parle avec flagornerie.
La race des courtisans,
Méprisables vers luisants,
Non-seulement auprès des rois pullule ;
De la ville et de la cour
Elle hante le séjour
Et vous trahit sans scrupule,
Avec des paroles d’amour.
“La tourterelle et la fouine”