Un âne, triste objet d’une juste risée,
Ayant vieilli sans porter le harnais,
La tête lourdement baissée,
Haranguait tous les gens, blâmait tous leurs projets,
Disant : je suis d’un âge
Où l’on est sage ;
Écoutez-moi,
Suivez ma loi ;
Regardez bien ma barbe grise,
Surtout ne faites rien que je ne vous le dise ;
Enfin, pas une fois,
On ne disait hier sans qu’il dît autrefois ;
C’était toujours sa langue,
Qui léchait le discours, polissait la harangue ;
C’était toujours son tour,
On n’entendait plus que lui dans la cour ;
A la fin on consulte
Un chat-huant, grave jurisconsulte,
Auquel on dit : Mon révérend,
Cet âne est d’un poids assommant,
L’ennui, qui se prolonge, à la fin nous altère ;
Comment faut-il donc faire ?
Lors l’oiseau de l’alto dit, en tournant les yeux :
Mépris, car il est sot ! respect, car il est vieux !
“La Vieille Bourrique”