Retire-toi, vil insecte volant, disait un jour une abeille irritée à une mouche qui voltigeait autour de sa ruche. Vraiment, il vous appartient bien d’aller dans la compagnie des reines de l’air ! — Vous vous trompez, dame abeille : je ne recherche pas la compagnie d’une nation aussi querelleuse et aussi vindicative que la vôtre. — Et pourquoi, petite créature impertinente ? Nous avons les meilleures lois ; notre gouvernement est le chef-d’œuvre de la nature ; nous vivons des fleurs les plus odoriférantes ; nous en tirons le suc le plus délicieux, pour en faire du miel, du miel qui est égal au nectar ; au lieu que toi, misérable insecte, tu ne vis que d’ordures et de putréfaction!— Nous vivons comme nous pouvons, répliqua tranquillement la mouche ; la pauvreté n’est pas blâmable ; mais la colère l’est, j’en suis sûre. Le miel que vous faites est doux, je l’accorde ; j’en ai quelquefois goûté : mais votre cœur n’est qu’amertume ; car pour vous venger d’un ennemi, vous vous détruisez vous-mêmes, et dans votre rage inconsidérée, vous vous faites plus de mal qu’à votre adversaire. Croyez-moi, il vaut mieux avoir des talens médiocres, et s’en servir avec plus de discrétion.
La vanité et la présomption sont les défauts des petits génies, qui se prévalent des qualités de leur esprit : celles du cœur sont toujours préférables.
“L’Abeille et la Mouche”