Jules Soliste Milscen
Poète, écrivain et fabuliste XVIIIº – L’Aigle et le Philosophe
Sur le plus haut des monts, remparts de l’Italie,
Un philosophe était monté :
Le tableau qui s’offrit à son œil enchanté
Donna bientôt carrière à sa philosophie.
Les fleuves ressemblaient à de faibles ruisseaux,
Et ces chênes altiers, dont les pompeux rameaux
Paraissaient aux mortels se perdre dans la nue,
N’étaient plus à ses yeux que des brins d’herbe épars.
Avec orgueil ses avides regards,
Sans s’arrêter, parcourent l’étendue.
Il vit avec dédain , ainsi que ces châteaux
Que l’enfance construit d’une main incertaine,
Les plus vastes cités gisantes dans la plaine,
Et les hommes errants comme des vermisseaux.
« Qui ne rirait, dit-il, de l’importance »
Que cet être impuissant met à ses moindres vœux? »
Il croit voir l’univers partager en silence
» Ses préjugés, ses maux et ses plaisirs honteux ;
» Quand il se forge une chimère,
» Aussitôt il en fait son unique désir ;
» Il passe, pour l’erreur qui lui devient trop chère
» Du trouble de la crainte au trouble du plaisir ;
» Son cœur en sens contraire est agité sans cesse :
» Il frissonne de rage, il pleure d’allégresse,
» Pour un fantôme vain il renonce au repos,
» Et se pâme ou gémit pour le rien qui l’affecte.
» Je crois voir l’Océan soulever tous ses flots
» Pour mouvoir une paille ou noyer un insecte. »
Après cette réflexion,
Voyant avec orgueil son élévation ,
Il se croyait un être au-dessus du vulgaire :
Quand sur sa tête ayant levé les yeux ,
Il vît un aigle altier planer au haut des cieux,
Et se perdre bientôt au sein de la lumière.
Honteux à cet aspect, il descendit les monts,
Et l’aigle lui tint lieu des plus fortes leçons.
Jules Soliste Milscen, L’Aigle et le Philosophe