Apologue
Certain jeune homme, épris des attraits d’une belle,
Pensait qu’à sa beauté son âme répondait ;
A sa possession son cœur tendre aspirait
domine an plus grand des biens; rien ne lui plaisait qu’elle ;
Mais bientôt il apprit que, pour lui seul cruelle,
Cette beauté farouche à d’autres se donnait.
D’abord il n’en voulut rien croire,
Faisant grande en ceci la part des envieux :
Celle qui si longtemps parut chaste à ses yeux,
Ne pouvait pas commettre une action si noire;
Mais le fait chaque jour devenant plus notoire,
Il n’eut plus à douter de ce trait odieux;
Il en conçut une douleur extrême.
Or, un jour quo l’ennui des choses d’ici-bas
Le rendait à charge à lui-môme,
Vers les bords de la mer il dirigea ses pas ;
Là. maudissant les cœurs ingrats,
Il versa d’abondantes larmes.
Tout-à-coup un plongeur, témoin de ses alarmes,
En demanda poliment le motif;
Notre amant tout au long conta, d’un ton plaintif,
L’objet de sa mésaventure,
Ne trouvant point, dans son malheur,
De termes assez noirs pour flétrir cette injure.
« Quoi ! c’est là seulement, répartit le plongeur,
« Ce qui peut vous causer une douleur si vive?
« Tel objet bien souvent tout d’abord nous captive,
« Qui nous laisse bientôt dans une grande erreur.
– Le sort use envers moi de la même rigueur ;
« Me voit-on pour cela triste et faisant la moue?
« Tout-à-1’heure , en plongeant dans le fond de la mer,
« Je crus mettre la main sur un objet fort cher;
« Mais je n’ai, comme vous, trouvé que de la boue. »
“L’amant et le Plongeur”