L’Aveugle
Par les soins d’une amie un aveugle toujours
Se conduisait, niais son impatience
Avec quelque dépit recevait ce secours.
Or donc un jour, pendant l’absence
Du guide bienfaisant qui dirigeait ses pas,
Il voulut prendre ses ébats
Et goûter quelque indépendance.
Par malheur, notre aveugle était un peu gourmand;
Il sent l’odeur de la cuisine
Et vers une pièce voisine
Il s’avance étourdiment.
La porte en était ouverte;
L’aveugle flaire un lion repas,
Et tout fier de sa découverte,
Guidé par son instinct, précipite ses pas.
Mois dans un escalier qu’il ne soupçonnait pas,
II tombe lourdement, se meurtrit le visage.
»Ah! rendez-moi, dit-il, mon heureux esclavage!»
Un cœur délicat sait jouir
De se laisser guider par ceux qu’il aime.
On ne saurait voir toujours par soi-même;
Savoir se confier, c’est savoir obéir.
“L’Aveugle”