Christian Satgé
Fabuliste contemporain – Le Bon Dom Pourceau
Malgré les arbres en robe de lilas
Et les prés parfumés de violettes,
Dom Pourceau se sent très bête et fort las,
Sous l’aile des oiseaux qui volettent :
La journée est bonne, quoiqu’embrumée,
Mais lui l’a mauvaise d’être enrhumé.
Pataud et pattu, ce bon porc cultive
L’ennui, sur sa déveine pérorant,
Sur ses risibles amours festives
Devisant, il s’en va dévorant
Les heures : pour savoir il endure ;
Sans travailler, pour avoir il dure.
Au soir où chacun rentre enfin
En sa petite chacunière,
Nid, grotte, antre ou terrier sans fin,
– Et donc Phoebus en sa tanière ! –
Notre porc est cerné par l’horizon,
Pays aux chimériques saisons.
Il arrive pourtant à une ferme
À l’ombre fraîche, au silence froid,
Avec des haies de houx pour derme.
Un pauvre vieux y est le seul roi.
Ses rustiques façons le font maître
D’un lieu où il eut le don de naître.
Fumier dense et foin épais,
L’endroit est sûrement bonne planque !
Dom Pourceau donc se présente en paix,
Poussé par la morsure du manque,
À ce Jacques, nanti sans le savoir.
Le goret, du rustaud, se fait voir.
Alors qu’au loin le vent du Nord flûte
Sa chanson, lui joue du pipeau
Au glaiseux et se dit, fute-fute,
« Ami du genre humain ». Pas de pot,
Ce dernier connaît ses Classiques,
De sa vie en a fait le lexique.
« Chacun se dit ami, mon cochon,
Mais est bien fol, dit notre ancêtre,
Qui s’y repose, futur souchon
Qui parle comme le fait un prêtre :
Rien n’est plus commun, que ce nom ;
Rien n’est plus rare que la chose !
Qu’as-tu à m’apporter, nom de nom ?
– Mais rien ! fit l’impudent tout rose.
– Alors, répondit l’autre, couteau
Jà tiré, je te saigne aussitôt.
Comme disait, jadis, mon bon père :
“N’attends point d’en être envahi
Pour te débarrasser des vipères
Et des mauvaises herbes enhardies” ! »
Christian Satgé
*Voir d’autres fables de Christian Satgé sur son Blog : Les rivages du Rimage