Un buffet d’acajou, de vases précieux,
Offrait le pompeux étalage ;
Un modeste cruchon de vin de l’Hermitage
Avait sa place au milieu d’eux.
Que fait ici, disait le buffet orgueilleux,
Un aussi mince personnage ?
On voit bien à son air piteux
Que ce n’est pas là son partage.
Le cruchon à ce sot langage
Ne répondit mot, et fit bien ;
Il savait qu’à sot entretien
Le silence est toujours la réponse du sage.
Mais arrive certain gourmet.
Le plus beau vase vide est pour lui sans attrait,
Et le bon vin le charme davantage.
Aussi le cruchon seul lui plaît ;
A lui seul il s’adresse, à lui seul il fait fête,
Et prouve à monsieur le buffet
Que, bien qu’il fût très-riche, il n’était qu’une bête.
Tel est l’ignorant en crédit,
Il juge l’homme sur l’habit.
1817
“Le Buffet et le Cruchon”
- Pierre Bergeron 1787 – 18??