Clopin clopant sur ses deux pieds boiteux,
Un canard dirigeait sa marche lourde et lente
Vers un étang dont l’onde transparente
Réfléchissait l’azur des cieux.
« Canards, s’écriait-il, vrais rois de la nature,
Nous savons tour à tour marcher, nager, voler ;
Des plus beaux lacs nous sommes la parure,
Quel autre oiseau pourrait nous égaler ?
Il n’en est pas sous le ciel, je le jure. »
Ainsi parlait, sur un ton nasillard,
Notre orgueilleux et sot canard.
Un barbillon faisant la sieste :
« Mon ami, lui dit-il ; tu n’es guère modeste.
Traverses-tu les profondes forêts
Comme les daims ou la gazelle ?
Voles-tu comme l’hirondelle ?
Et sais-tu, comme les brochets,
Te glisser sous l’onde rapide ?
Planes-tu dans le ciel comme l’aigle intrépide,
Ce monarque absolu des airs ?
Toutes tes qualités ne sont que des travers
Propres à nous faire sourire.
La vérité parfois est dure à dire ;
N’importe, je te la dirai :
Être éclos dans la boue, ô canard ignoré,
Sache que le grand point, la difficile affaire,
N’est pas, maladroit, de tout faire :
Savoir un peu de tout n’est rien,
Il vaut mieux savoir peu, mais bien. »
“Le Canard et le Barbillon”