comtesse de Beaufort d’Hautpoul
Poétesse et fabuliste XVIIIº – Le chien et le loup
Un Loup, des plus gloutons, ravageait la prairie,
Et dépeuplait la bergerie ;
Mais le voleur, à la course léger,
Se dérobait au chien comme au berger,
Quand par hasard Fidèle, au retour de la chasse,
Rencontre le larron dont il cherchait la trace :
— Vous voilà, dit le Chien, et j’en suis enchanté;
» Suspendons entre nous la guerre,
» Comme deux bons amis causons en liberté.
» — Trêve, répond le Loup, j’y consens. » — Eh bien ! frère,
» Repart le Chien, avec tant de valeur,
» Et portant une âme intrépide,
«Pourquoi vous adresser à l’espèce timide ?
» De vos exploits quel est l’honneur ?
» Que vos dents trouveraient un plus noble adversaire
» Près du sanglier, du lion!
» Est-il digne de vous de combattre un mouton,
» Ou bien le jeune agneau qui tette encor sa mère ?
» Le lâche peut avoir semblable cruauté,
» Mais un grand cœur a plus d’humanité.
» — Ami, répond le Loup, si tu te mets en peine
» De cette gent qui porte laine,
»Tu peux trouver en pareil cas
» Le moyen d’exercer ta langue;
» Va trouver l’homme de ce pas,
» Et lui débite ta harangue ;
» Attendris-le par tes discours touchants,
»Ton éloquence alors sera bien plus utile ;
« Contre un mouton par nous mangé de temps en temps
« L’homme en dévore plus de mille. »
Anne-Marie de Beaufort d’Hautpoul, Le chien et le loup