Maître coucou rencontre une hirondelle
Qui revenoit des Royaumes lointains :
Eh ! vous voilà, voyageuse éternelle?
Arrêtez, dites – moi quelque bonne nouvelle.
Apprenez-moi des faits certains.
J’ai des amis par-tout, car par-tout j’ai su plaire.
Répondez-moi, ma très-chère commère.
Vous avez vu bien des pays nouveaux !
Dites, sous un autre hémisphère,
Parle-t-on beaucoup des oiseaux ?
La voix du rossignol est-elle aussi brillante
Parmi les peuples du Japon,
Que parmi nous ? Oh je croirois que non.
— Pardonnez-moi, tout de même elle enchante ;
Il est toujours le héraut du Printemps,
L’âme de nos rians bocages,
Le chantre ailé , dont les accens
Plaisent le mieux sous les sombres feuillages.
— Et la fauvette ? — Elle a son prix.
Sa gorge noire & son gentil corsage
Lui font un grand nombre d’amis.
On chérit encor son ramage.
—Et moi, qu’en dit-on ? — Vous ! on n’en dit rien du tout.
Jamais sur vous le moindre mot ne sonne.
— Ah ! les ingrats ! ils me poussent à bout.
Eh bien, je parlerai toujours de ma personne.
Ainsi se venge un faquin orgueilleux,
Comme un coucou sans cesse égoïste ennuyeux.
“Le Coucou et l’Hirondelle”
- Louis-Sébastien Mercier, 1740 – 1814