Henri CACHAU
Peintre, poète et Fabuliste contemporain – Le crapaud dépité
En jouissaient-elles ces mutines rainettes
se jouant d’un crapaud en levant leurs gambettes
qui se reconnaissait comme gros dégueulasse
son aspect effrayant et ses pensées salaces
l’onde en son miroir l’ayant montré répugnant
depuis qu’il l’eût quitté c’était d’autant poignant
d’à son corps défendant têtard s’abandonner
aux soins d’une nature qu’il ne sait pardonner
tant il eut préféré parmi les amphibiens
devenir autre que ce vilain batracien
dont sa peau rugueuse et ses nombreuses pustules
font que chez les démons à son insu postule
quoique dans ces jardins où il mène carrière
le sursaut inattendu d’une courtilière
revenant sur ses pas le fît se découvrir
indispensable toujours prêt à concourir
avec les oiseaux et tout autre insectivore
ça pouvait se faire mais l’amour le dévore
et les coassements des dames d’à côté
assurément l’invitent ainsi au débotté…
il s’agit d’une jeunesse qu’il fréquenta
mais dont il ne dépend plus de leur potentat…
quand penché sur l’étang il matait ces naïades
des heures passait à contempler ces pléiades
dont il peuplerait son ciel de crapaud commun
sujet à les vénérer ces astres un à un
se sachant le plus hideux entre mille espèces
peut-on le concevoir l’interrogation blesse
tant ce pauvre animal sous sa peau de crapaud
s’imaginait vivre sous des cieux infernaux
qui l’ayant repéré sous son nez folâtraient
étalage faisaient de leurs subtils attraits
malgré les avertissements venus d’anciennes
dont elles se contrefichaient de leurs antiennes
collationnant des délires moyenâgeux
ces animaux sont rugueux quoique avantageux
des histoires d’hallucinogènes et poisons
de princes charmants de citrouilles et de blasons
qui loin de dissuader ces jeunes dryades
se rappelant leurs lointaines sœurs des Cyclades
dont les plus entreprenantes s’étaient offertes
sans regretter de leur virginité sa perte
aux faunes les plus velus et libidineux
aux plus vaillants héros ainsi qu’aux musculeux
quitte à plus tard une fois leurs sens apaisés
se complaire dans le rôle d’une épousée…
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l’amour est aveugle ça se confirme encore
puisque le monstrueux n’en finit pas d’éclore
voyez le spectre infini de nos perversions
les fables révélant leurs troubles spéciations
s’étale au grand jour sur-occupe nos écrans
ce crapaud le sait et d’autant est-il à cran
car ces rainettes l’aguichent prônent l’inceste
s’il ne tenait qu’à lui ravirait la plus leste
mais traîtresse l’onde lui renvoie sa figure
non il n’est pas possible qu’il se configure
lui si laid si repoussant en prince charmant
cet aveu est honnête pire désarmant
lui commande de suspendre ses momeries
de regagner illico sa jardinerie
où il s’y trouve à l’abri de toute illusion
l’amour ne pourvoyant que brèves sensations
rien de concret alors que s’agissant de chasse
aux prédateurs araignées escargots limaces…
le cœur à ses raisons la nature l’ignore
et nos palinodies hélas le corroborent
ce contrefait se récupéra sagement
guidé par l’intuition et un tempérament
débonnaire l’incitant à se dessaisir
à cet instant ou submergé par des désirs
surpris se souvint de la grenouille et du bœuf
une façon de les tuer jusque dans l’œuf
il allait se risquer à regagner cette onde
lui permettant de cette amertume profonde
si disgracieux si répugnant mais romantique
se reprochant d’avoir rameuté cette clique
s’en débarrasser sous l’œil malicieux des belles
qui d’une soirée d’été malgré tout réelle
s’en souviendraient quitte du luxurieux crapaud
à leur firmament l’inclure Quasimodo…
même si l’amoureux est le plus délicat
faisons en sorte qu’il ne se change en tracas
mais sachons ce dépit l’utiliser au mieux
mâché très lentement il s’avère précieux
occupant nos esprits permet de réfléchir
parfois de vaines passions pouvoir s’affranchir…
Henri CACHAU
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