Une traîtresse voix bien souvent vous appelle ;
Ne vous pressez donc nullement :
Ce n’était pas un sot, non, non, et croyez-m’en,
Que le Chien de Jean de Nivelle.
Un citoyen du Mans, Chapon de son métier
Etait sommé de comparaître
Par-devant les lares du maître,
Au pied d’un tribunal que nous nommons foyer.
Tous les gens lui criaient pour déguiser la chose,
Petit, petit, petit : mais, loin de s’y fier,
Le Normand et demi laissait les gens crier :
Serviteur, disait-il, votre appât est grossier ;
On ne m’y tient pas ; et pour cause.
Cependant un Faucon sur sa perche voyait
Notre Manceau qui s’enfuyait.
Les Chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit expérience.
Celui-ci qui ne fut qu’avec peine attrapé,
Devait le lendemain être d’un grand soupé,
Fort à l’aise, en un plat, honneur dont la volaille
Se serait passée aisément.
L’Oiseau chasseur lui dit : Ton peu d’entendement
Me rend tout étonné. Vous n’êtes que racaille,
Gens grossiers, sans esprit, à qui l’on n’apprend rien.
Pour moi, je sais chasser, et revenir au maître.
Le vois-tu pas à la fenêtre ?
Il t’attend : es-tu sourd ? – Je n’entends que trop bien,
Repartit le Chapon ; mais que me veut-il dire,
Et ce beau Cuisinier armé d’un grand couteau ?
Reviendrais-tu pour cet appeau :
Laisse-moi fuir, cesse de rire
De l’indocilité qui me fait envoler,
Lorsque d’un ton si doux on s’en vient m’appeler.
Si tu voyais mettre à la broche
Tous les jours autant de Faucons
Que j’y vois mettre de Chapons,
Tu ne me ferais pas un semblable reproche.
Analyses de Chamfort – 1796.
Les chapons ont en nous fort peu de confiance,V. 5. Un citoyen du Mans, etc. . . .
Cette fable rentre un peu dans celle du mouton , du pourceau et de la chèvre, avec cette différence que le chapon est plus maître d’échapper à son sort. Il faut supposer que le chapon s’envole de la basse-cour peur n’y plus revenir, ce que pourtant La Fontaine ne dit pas.’ Au reste , elle est contée plus gaiment que l’autre.
V. 16. Les chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit expérience.
Cela est plaisant ; et le chapon qui
V. 19. Devait le lendemain être d’un grand souper! Je voudrais seulement que l’Apologue finît par un trait plus saillant.
Analyse littéraire et grammaticale, Charles Nodier,1818.
*Ce n’était pas un sot, non, non, et croyez-m’en,
1 Naïveté fort gaie. Le récit n’est pas moins plaisant, et le dialogue l’emporte encore peut-être sur le récit.
*Un citoyen du Mans, Chapon de son métier
2 Tout cela est du comique le plus vrai. Le sérieux que met le poète à l’application de ces formules du palais rappelle Perrin Dandin au jugement de Citron; mais la plaisanterie est plus agréable, parcequ’elle est moins étendue et moins changée.
Rien de comparable à la bonhomie de cette observation :
Les Chapons ont en nous fort peu de confiance.