Auguste Joseph Duvivier
Médecin et fable XVIIº – Le fils du coursier
Chez le peuple cheval un Criquet eut pour père
Le coursier le plus vigoureux :
Comme chez nous, l’on voit chez eux
Plus d’un enfant qui dégénère.
Celui-ci, plein de fol orgueil.
Pour raison de santé devint l’hôte d’un rustre.
Et recevant de tous un fraternel accueil,
A tous il racontait son origine illustre,
« Apprenez, disait-il, de quel sang glorieux
» Les destins ont pris soin de me faire descendre :
» D’un neveu de Bayard mon grand-oncle était gendre !
» Ma mère parmi ses aïeux
» Comptait le fongueux Bucéphale !
» Et Pégase quitta le céleste séjour
Pour être le parrain de la noble cavale
» A qui mon père dut le jour !
» Tandis que vous, roturière cohue,
» Rejetons dédaignés d’une race inconnue,
» Aux plus grossiers labours stupidement livrés,
» Vous naissez, vous vivez, vous mourez ignorés.
» — Nous vivons obscurs, mais utiles
(Reprit un vieux Cheval, blessé de ce discours),
» Et si nous n’allons point parader dans les cours,
» Nos modestes travaux à leurs pompes futiles
» Sans cesse vont porter un généreux secours.
» De nos humbles parents l’exemple nous anime :
» Nous avons leur courage et leur docilité :
» Comme eux nous méprisons la sotte vanité,
» Et le mérite seul a droit à noire estime.
» Excusez ma sincérité. »
Vous qui de vos aïeux proclamant l’excellence,
De l’éclat d’un grand nom vous montrez revêtus,
Vantez-nous, j’y consens, votre haute naissance,
Mais prouvez-la par vos vertus.
Auguste Duvivier