Jean Marc Wollscheid
Poète et fabuliste contemporain – Le hibou et la souris
C’est au détour d’une nocturne promenade,
Que notre souris stoppe sa furtive escapade,
Tant en l’air sont deux yeux en embuscade…
La souris à bonne intuition, elle sait le hibou,
Le vil oiseau qui va la croquer par petit bout.
Au pied de l’arbre, elle tente le tout pour le tout…
« Messire, éclairé Duc des bois, grand perché,
voyez une frêle danseuse en ce mois dépêché,
courir le met tant est grande sa nichée,
j’ai dix bouches à nourrir toutes asséchées,
usez donc une autre proie sans famille attachée… »
Dans les branches, rien ne fuse pas un bruit à l’unisson,
Mais deux yeux fauves qui semblent fixer le poisson,
Plus teigneux, juché d’un bec sans verbe et unis sons…
« Mon maître, mon destin, noble chevalier des nuits,
je n’ose croire que vos pensées me cherchent ennuis,
que votre clairvoyance soit embrumée par faim qui nuit,
et au delà de votre aura de sage, de savant des écoles,
vous puissiez de mes arguments faire simple babioles,
et commettre l’irréparable qui laisserait souriceaux en fin,
en terre, en cris, en grise mine, et surtout perdus orphelins… »
Plus haut dans les branches, le vent maintenant souffle,
Les yeux semblent s’accrocher à la souris qui s’essouffle…
« Voyez encore Messire, ma chair fade,
Qui donne plus de lait en rebuffade,
Que de bons muscles en estouffade,
Et de bons morceaux pour une griffade… »
Le vautour semble sourd, il prépare l’assaut final,
L’ennemi est parfois meilleur quand il parle,
La fin est proche, la souris est en terminal…
« Puissant hibou, Dieu de tout arbre, Roi des pins,
voyez aussi comme je travaille pour votre destin,
moi élevant dix souris pour plus tard votre festin.
Daignez préserver votre avenir de belle manière,
Et par là, épargnez une bonne tête nourricière… »
Pas plus, l’oiseau du noir esquisse le moindre mot,
Pourtant bavard, la faim doit lui ronger les os,
La sagesse en queue et la mort au vol faux…
Soudain une branche craque, des plumes s’agacent,
Dans un fracas royal l’oiseau prend envol et fugace,
Plane rasant la souris puis sombre sur une bécasse…
La souris détale loin de sa peur, le cœur en chamade,
Elle jure que la nuit on ne la verra plus en escapade,
Foi de hibou, voilà bonne leçon et belle parade…
Certains penseront que le hibou sourd, n’avait d’yeux
Que pour la bécasse plus grasse et sans mot d’adieux
Muette figée, devant le danger éclairant les cieux…
D’autres vous diront que le hibou usa du choix,
Que paroles de souris en forêt valent un poids,
Foi de bécasse pour le hibou aux mets sous bois…
Jean Marc Wollscheid